Lettre d'Information Synphonat
Numéro 16 - Février 2012

Bonjour,

Les questions se bousculent dans ce numéro de février ... Mais, pas de panique ! Quelques réponses se profilent.

Tout d'abord concernant l'évolution de nos cultures alimentaires : en rendant plus résistantes les semences destinées à nourrir la planète, n'avons-nous rien négligé ?
Concernant, ensuite, l'électricité dont les récents frimas ont rendu la nécessité encore plus évidente : quelles pistes sont explorées concrètement pour nous affranchir de sources d'énergie éminemment incertaines ?
Enfin, concernant nos choix d'entreprise, et donc de vie : sommes-nous condamnés à la fuite en avant ou bien pouvons-nous remettre l'économie au service de la société que nous souhaitons construire ?

Nous restons attentifs et ces considérations nous inspirent pour orienter les choix et les actions de Synphonat en cohérence avec les valeurs que nous avons en partage.

Et vous, quelle lecture en ferez-vous ?


L'équipe Synphonat




1. OGM : quels intérêts ?

par Fabien, Responsable du site de Villemur-sur-Tarn

C'est la question que l'on peut se poser tant le rapport bénéfice / risque semble de moins en moins évident quand on examine la question des OGM.
En effet, si l'on s'en tient aux dommages potentiels sur l'environnement, la liste est déjà longue.

L'un des premiers risques identifiés, et non des moindres, est la dissémination incontrôlée des plantes OGM, ne laissant plus aucune place au choix de cultiver OGM ou non. Le défaut de maîtrise est donc bien réel. Avec la prolifération des cultures OGM, et l'absence totale de possibilité de retour en arrière, c'est une cascade de questionnements qui survient, comme par exemple la mutation des gènes avec des effets nocifs potentiels, les interactions avec les variétés sauvages et indigènes, les impacts sur les oiseaux, les insectes et les organismes du sol, et les conséquences sur l'Homme et sa santé.

Concernant l'Homme, des chercheurs chinois ont récemment découvert dans le sang et les organes d'êtres humains des traces d'acide ribonucléique (ARN) provenant du riz, et démontré que ce matériel génétique pouvait se coller à l'intérieur des cellules du foie et influer sur le taux de cholestérol dans le sang.
Des études ont montré que ces micro-ARN (ainsi nommés du fait de leur petite taille), sont impliqués dans nombre d'affections humaines, parmi lesquelles le cancer, la maladie d'Alzheimer et le diabète, et qu'ils fonctionnent en bloquant certains gènes.
Les chercheurs chinois ont mis en évidence le premier cas in vivo de micro-ARN d'origine végétale capable de résister à la digestion et d'influer sur les fonctions des cellules humaines. Si les résultats de leurs recherches sont confirmés par un examen scientifique, cela tendrait à prouver que, quand nous mangeons, nous n'ingérons pas seulement des vitamines, des minéraux et des protéines, mais aussi des régulateurs de gènes.
Même si à l'origine cette étude chinoise n'a rien à voir avec les OGM, elle interpelle directement sur ce front.
En effet depuis 2007, tirant parti de ce processus de régulation des gènes des micro-ARN, des chercheurs ont réussi à produire des ARN d'origine végétale capables de tuer des insectes en détruisant certains de leurs gènes.

Dès lors qu'on sait que sur le plan génétique, les humains et les insectes ont beaucoup en commun, il est donc tout à fait envisageable que des micro-ARN conçus pour agir sur la régulation des gènes de certains insectes puissent aussi avoir des effets méconnus sur la santé humaine.

Des risques de plus en plus évidents pour quels bénéfices ?

Ceux avancés par les promoteurs des OGM sont l'amélioration des rendements, la maîtrise des récoltes face aux changements climatiques (en développant par exemple, la capacité des plantes à résister à la sécheresse), une plus grande tolérance aux ravageurs, tout ceci pour maintenir ainsi la capacité à nourrir le plus grand nombre.
C'est avec les mêmes arguments que l'agriculture intensive s'est généralisée après guerre, avec les mêmes opérateurs, les semenciers et leur fournisseurs (Monsanto, Bayer, Sanofi, Pioneer, Syngenta etc.), à l'époque plus versés dans la fabrication d'engrais, de pesticides, d'herbicides.
Quand on connaît les dégâts occasionnés sur la faune et la flore, mais aussi probablement sur l'être humain (le 13 février 2012, Monsanto a été jugé responsable par le TGI de Lyon de l'intoxication d'un céréalier charentais), par l'utilisation de tous ces produits phytosanitaires piliers de l'agriculture intensive, on ne peut qu'être inquiet.
Devant la réprobation d'une grande partie de l'opinion publique, et face aux questionnements et aux risques pour la collectivité, on peut se demander alors pourquoi les politiques (nationaux et européens) n'adoptent pas une position plus claire à l'encontre des OGM.
Le lobbying intensif et continu opéré lors des rounds de l'OMC ou à Bruxelles, est en grande partie responsable de cette inertie. En effet, c'est de cette manière qu'a été constitué un cadre réglementaire favorable ou peu contraignant pour les industriels, en minimisant délibérément les risques de certains produits et de certaines pratiques. Régulièrement les experts sollicités pour évaluer les risques, et l'affaire du médiator en est la parfaite illustration, sont en empêtrés dans le conflit d'intérêt.

Pourtant des solutions alternatives aux OGM existent bel et bien pour accroître les rendements agricoles.
Une PME toulousaine, Agronutrition, nous en fournit un bon exemple : résolument tournée vers le défi environnemental, cette entreprise innove avec un service de biofertilisation sur mesure baptisé "Solactiv BAIA".
Agronutrition propose ainsi d'amoindrir l'apport en azote en pulvérisant des bactéries sur les parcelles de céréales et d'améliorer le rendement tout en piégeant les nitrates et en limitant le phénomène de lessivage.
L'objectif est le même que celui des promoteurs de la culture OGM "Produire plus ..." mais aussi - et c'est là toute la différence - "... produire mieux".

Références :


2. Le projet hydrolien se concrétise en Bretagne

par Patrice, Délégué Synphonat pour la Région Pays-de-Loire et Bretagne

Fin août 2011, la première hydrolienne française quittait son site de construction de la DCN (Direction des Constructions Navales) de Brest, pour être totalement immergée au large de Paimpol-Bréhat, en Côtes-d'Armor.

L'hydrolienne est en fait une turbine sous-marine permettant la transformation de l'énergie hydraulique en énergie mécanique, qui est ensuite transformée à son tour en énergie électrique grâce à un alternateur.

À la différence des hydroliennes semi-immergées des côtes anglaises, l'hydrolienne française repose, elle, par 35 mètres sur le fond de La Manche. À terme, ce sont quatre turbines de 16 mètres de diamètre, et d'un poids de 1000 tonnes chacune, qui seront immergées. L'objectif est de produire avant fin 2012, de l'électricité pour 2 à 3000 foyers. Cette première machine va servir de test avant la construction de ses trois sœurs. À l'horizon 2030, c'est une centaine de turbines qui pourrait voir le jour pour alimenter environ 100000 foyers.

Les avantages de cette technologie sont nombreux, les hydroliennes sont aussi beaucoup plus discrètes que les éoliennes. Elles ne polluent pas et utilisent une énergie renouvelable. De plus, à la différence des vents, les courants marins sont prévisibles. D'autre part la vitesse de rotation des pales est suffisamment lente pour ne pas perturber les poissons. Enfin le fait qu'elles soient totalement immergées minimise les conflits avec les autres usagers de la mer (pêcheurs, marine marchande, ...).

Bien entendu, l'impact sur l'environnement sera rigoureusement étudié, mais les sites préférentiels pour l'installation d'hydroliennes sont des zones de forts courants où les conditions sont peu favorables au développement de la faune et de la flore.

Cette technologie devrait contribuer à l'objectif fixé par la France, de produire d'ici 2020, 23% d'énergie renouvelable.

Références :


3. Entreprise : des États favorisent l'engagement

par Frédéric, Responsable Marketing Multicanal

Le profil type de l'entrepreneur est souvent dépeint comme motivé quasi-exclusivement par l'accumulation de richesses et la réussite entrepreneuriale elle-même est caricaturalement perçue comme antinomique avec les objectifs de préservation sociale et environnementale.

Pourtant les créateurs d'entreprise ayant de profondes motivations altruistes ne manquent pas.
Des modèles d'entreprises permettant de viser des bénéfices annexes à la production de biens et services et favorisant l'implication des travailleurs ont, de longue date, été imaginés, à l'image, notamment, des différentes formes de sociétés possibles dans le contexte de l'Economie Solidaire et Sociale à la Française.

Cependant, outre-Atlantique, en dehors du secteur agricole, le statut coopératif demeure très marginal, en partie en raison de son image très "alter" et probablement également d'une persistance des amalgames avec l'organisation économique instaurée par les régimes soviétiques, à l'antithèse des fondamentaux américains de la création de valeur.
Le plus souvent, les initiatives sociales ou environnementales sont donc, au mieux, des petits plus dont peuvent se prévaloir quelques entreprises particulièrement vertueuses, au pire, de simple faire-valoir, prétextes à une médiatisation tapageuse visant à afficher un visage présentable pour des groupes peu scrupuleux. Les ironiques Prix Pinocchio décernés annuellement par l'association Les Amis de la Terre mettent ainsi en lumière les attitudes cyniques d'entités qui se comportent en véritables "cancres du développement durable", et qui n'hésitent pourtant pas à se draper de pseudo-vertus et engagements en vue de séduire une opinion publique n'ayant pas toujours la capacité de gratter le vernis vert de leurs campagnes de communication.

Afin de rendre la vocation communautaire, sociale ou environnementale indissociable du développement des entreprises souhaitant réellement agir différemment, sept États américains ont récemment adopté une législation permettant la constitution de "B-Corps" (pour "Benefit Corporations") et sept de plus en prennent actuellement la voie.
C'est depuis peu le cas de la Californie où l'emblématique compagnie Patagonia, du Franco-Américain Yvon Chouinard, a été la première, le 3 janvier dernier, à embrasser ce nouveau statut, légalement contraignant, qui lui permet de rendre sa performance mesurable sur le plan du bénéfice que présente son activité pour la société dans son ensemble et non plus uniquement à l'aune des profits financiers réalisés.
Rien d'étonnant, pourrait-on penser, pour l'auteur d'un livre intitulé "Homme d'affaires malgré moi : Confessions d'un alter-entrepreneur". Mais ce personnage certes assez atypique est loin d'être un cas isolé et plus de cinq-cents entreprises ont déjà rejoint ce mouvement. Parmi elles, on trouve de nombreuses sociétés de services, pour lesquelles réorganiser l'activité en fonction de ces nouveaux critères n'est pas très complexe. Y figurent aussi des firmes comme la branche nord-américaine du spécialiste du commerce équitable Alter Eco ou encore des acteurs du secteur des énergies renouvelables dont le cœur de métier coïncide particulièrement bien avec les spécificités de transparence et de responsabilité communautaire et environnementale imposées par ce statut.

À l'heure où, des fabricants de jouets aux géants de l'électronique grand public, certaines réalités peu reluisantes de success stories abondamment médiatisées commencent à faire surface, il est salutaire que chacun d'entre nous identifie les leviers dont il dispose pour rétablir un modèle plus pérenne, respectueux des Hommes et compatible avec leur environnement. Dans cette optique, il est rassurant de constater que, au-delà des postures de façade d'industriels embourbés dans la sombre mélasse qu'ils ont eux-mêmes érigée en modèle économique, des États et des entreprises assument leur part de responsabilité et entendent aujourd'hui jouer un rôle en posant les bases d'une rupture avec une idéologie économique qui s'est avérée délétère.

Références :

Crédits photographiques : Fabrice Lejoyeux, Luigi Amasia, Pete & Lynne, Maria Ly

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