Lettre d'Information Synphonat
Numéro 19 - mai 2012

Bonjour,

Ancrée dans une actualité complexe, notre lettre de mai fait l'éloge de la simplicité.

La science nous révèle les bénéfices cachés de la vie au grand air, des initiatives éclosent pour tirer un profit nouveau des éléments et les technologies les plus avancées diffusent dans les sociétés traditionnelles sans que le dénuement leur fasse obstacle.

D'un point de vue physiologique ou sous un angle existentiel, nous vous convions à renouer avec des fondamentaux qui, de nos régions aux contrées les plus reculées, sont susceptibles de raviver nos énergies, pour peu, seulement, que nous sachions leur prêter attention.


L'équipe Synphonat




1. Biodiversité et allergies

par Frédéric, Responsable Marketing Multicanal

Instinctivement, nous aspirons à réintégrer dans nos modes de vie devenus trop citadins plus de nature.

Les tendances des urbains à se réinstaller dans les zones plus rurales que leurs aïeux avaient délaissées ou les concepts d'urbanistes visant à réimplanter des espaces verts et des cultures agricoles au cœur des grandes métropoles vont dans ce sens.
On pourrait penser qu'il ne s'agit que de modes passagères si de plus en plus de signes ne convergeaient pas actuellement pour indiquer que l'espèce humaine a en fait un profond besoin de vivre en symbiose avec son environnement.

Une nouvelle étude scientifique vient à l'appui de cette théorie, révélant - pour simplifier - une moindre prévalence des allergies chez les individus grandissant en environnement rural. L'explication pourrait résider dans le fait que les environnements riches en espèces animales et végétales foisonnent en outre de micro-organismes "amis" qui colonisent nos corps et nous prémunissent contre les troubles inflammatoires.
En effet, selon Ilkka Hanski, professeur d'écologie et de biologie de l'évolution à l'Université d'Helsinki (Finlande) et principal auteur de cette étude, une présomption existait, selon laquelle le contact des individus, en particulier des enfants, avec leur environnement naturel et la diversité biologique favoriserait considérablement le développement du système immunitaire.

C'est pourquoi Hanski et son équipe ont cherché à vérifier l'hypothèse postulant que la chute globale de la biodiversité et, en découlant, le moindre contact des Hommes avec celle-ci sont liés avec la multiplication des cas d'inflammations chroniques et de maladies auto-immunes. Afin d'établir si, oui ou non, la biodiversité constituait réellement une protection contre ces pathologies, les chercheurs ont examiné la diversité microbienne de 118 adolescents finlandais provenant, pour certains, de fermes isolées en milieu rural tandis que d'autres avaient toujours vécu en agglomérations. Après s'être assurés que les éventuelles sensibilités aux allergènes n'étaient pas directement imputables au fait que leurs foyers comportaient des animaux domestiques, ou encore des fumeurs, les chercheurs ont prélevé des échantillons microbiens sur les avant-bras de leurs cobayes et procédé à des séquençages ADN pour identifier toutes les espèces de micro-organismes en présence sur chacun d'eux. Ils ont par ailleurs recensé toutes les espèces végétales environnant les lieux de vie de ces jeunes gens puis cherché à déterminer les connexions possibles entre biodiversité et allergies.

Bien que dans toutes les zones géographiques étudiées, des cas d'allergies aient été observés, les auteurs de l'étude ont découvert que leur taux de prévalence y était inversement proportionnel à la variété des plantes alentours.
Les adolescents des campagnes étaient entourés de plus de biodiversité que ceux des villes et, par conséquent, leurs peaux révélaient une présence microbienne accrue.

Dans un article publié dans les incontournables Proceedings of the National Academy of Sciences, l'équipe révèle notamment que la présence de certaines espèces végétales endémiques était particulièrement importante dans l'environnement des sujets sains en comparaison de celui des allergiques. Dans le prolongement, la corrélation entre la survenue des allergies et la diversité des espèces de micro-organismes prélevées sur les sujets a également été constatée. Un groupe de bactéries nommées "gammaproteobacteria" a tout particulièrement retenu l'attention des scientifiques. L'Acinetobacter, qui en fait partie, a en effet pu être relié à des niveaux accrus de marqueurs anti-inflammatoires dans le sang de sujets sains, indiquant que cette bactérie pourrait, à l'instar de celles présentes dans notre flore intestinale, jouer un rôle dans la régulation des mécanismes anti-inflammatoires de notre système immunitaire.
Les observations de Thomas Abrahamsson, pédiatre et chercheur à l'Université de Linköping, en Suède, confirment que l'absence de ces bactéries explique apparemment - au moins en partie - l'apparition des allergies chez l'enfant.

Bien que ses travaux n'aient pas porté sur d'autres pathologies, Ilkka Hanski présume que ce constat peut vraisemblablement être étendu au-delà des seules allergies, la diversité microbienne influant probablement aussi la survenue de troubles tels que le diabète de type 1, l'asthme et peut-être même la dépression.

Les travaux de recherche restant à accomplir avant de parvenir à des applications médicales concrètes sont encore conséquents et nous sommes bien loin d'éventuels sprays ou lotions aux gammaproteobacteria destinés aux populations des villes insuffisamment exposées au contact avec la nature.
Mais, plutôt que d'attendre que la science nous fournisse ces hypothétiques remèdes, il nous est d'ores et déjà possible de réfléchir à l'ensemble des dérèglements que notre mode de vie contemporain a engendrés. Et, au lieu de nous concentrer sur la résorption de leurs nombreuses conséquences isolément les unes des autres, la nécessité d'infléchir résolument nos existences dans le sens d'une meilleure reconnaissance de la richesse de nos interactions avec notre environnement semble, à la lumière de ces nouvelles découvertes, s'imposer comme une évidence.

Références :


2. Le vent des territoires

par Jean-Claude, Dirigeant

Le pays des Combrailles situé au Nord-Ouest du Massif Central, à cheval sur les départements de l'Allier, de la Creuse et du Puy-de-Dôme, est peuplé d'habitants au caractère bien trempé.

Pays de montagne, les Combrailles se distinguent par une activité agro-alimentaire très au-dessus des moyennes nationale et régionale, et également par une activité industrielle importante pour un secteur rural. Elles sont riches d'une nature magnifique, avec des rivières aux eaux claires et poissonneuses, un ensoleillement intéressant et sont caressées par un vent volontaire.

Toutes ces conditions ont naturellement attiré des investisseurs à la recherche d'emplacements pour installer des éoliennes comme on en voit fleurir dans nos campagnes.

Les élus politiques de la région, sollicités par ces industriels, ont naturellement organisé une réunion publique en 2008 pour présenter le projet de ZDE (zone de développement de l'éolien)

Après une présentation bien lissée et séduisante, la parole a été donnée au public pour connaître son avis et obtenir son approbation. Les objections habituelles et fondées relatives à la pollution visuelle et acoustique et au danger pour la faune qu'entraînent ces fermes éoliennes ont été évoquées. Bien évidemment des réponses rassurantes ont été formulées par des représentants d'industriels bien rodés à ce type de rencontre. Mais les meilleurs arguments, aussi construits soient-ils, ne calment pas toujours les frustrations et les craintes.

Il y a juste une chose que n'avaient pas prévue ces investisseurs des temps modernes : c'est que les habitants de ce pays n'avaient pas envie de se faire déposséder de ce qui leur appartient, la nature dans laquelle ils vivent au quotidien. Il n'y a aucune raison que le bien commun soit capté par des intérêt privés.

À un moment, une personne s'est levée dans l'assistance et a dit : "mais c'est NOTRE VENT qu'ils veulent nous prendre, et si, au lieu de confier l'exploitation de "notre" vent à des promoteurs privés extérieurs, nous donnions naissance à des coopératives villageoises pour valoriser en direct ces ressources ?"

L'adhésion de la salle a été immédiate et importante, 3 porteurs de projets initiaux ont réussi à entraîner de nombreux participants.

Très rapidement s'est constituée une association de 260 membres pour travailler sur le projet de production d'énergies renouvelables. Il a rapidement été établi que le projet d'éoliennes était surdimensionné dans un premier temps pour une association naissante.

Les membres de l'association ont décidé de se transformer en SCIC (Société Coopérative d'Intérêt Collectif) et de débuter par de la production d'énergie solaire à l'aide de capteurs installés sur des bâtiments publics (mairies, écoles, etc.).

La SCIC, "Combrailles Durables" de 170 coopérateurs, majoritairement des habitants du pays, s'est donné comme objectifs dans une démarche NEGAWATT :

  • - Porter localement des projets d'intérêt collectif et sans but lucratif,
  • - Produire des énergies renouvelables,
  • - Tout mettre en œuvre pour rendre possibles des économies d'énergies car le kilowatt le moins cher est celui que l'on ne consomme pas.

La création de cette entité a vivifié la vie locale. Chacun a mis à son service ses compétences, son temps et ses talents. Les écoles et leurs élèves, les mairies ont été associés à sa vie et à son développement.

Les acteurs de Combrailles Durables ont très rapidement acquis une expertise dans la production d'énergies photovoltaïque et éolienne et sont en mesure, en plus de mener à bien leurs projets, d'informer la population sur la pertinence de telle ou telle acquisition et d'indiquer les artisans de confiance pour l'installation d'équipements.

Les coopérateurs de la SCIC organisent ou participent à des manifestations portant sur les économies d'énergie. Les enfants des Combrailles sont incollables sur le sujet !!

Combrailles Durables a réussi à convaincre de nombreux partenaires, notamment financiers pour accompagner son développement : banques coopératives, fondations, Région, CIGALES, etc.
Elle a également obtenu des prix et trophées récompensant les projets d'utilité publique.

La première année a permis de produire 18000 kilowattheures et ce ne sont pas moins de 5 centrales photovoltaïques qui sont en cours d'installation.

Le projet éolien est toujours présent et ces quelques années de fonctionnement ont permis de se fixer un objectif clair :
Un village, une éolienne et, tout comme les clochers, chaque éolienne ne devra être visible qu'à l'échelle du village qui la porte.

On est bien loin des implantations de fermes éoliennes, souvent rejetées par les populations du fait des diverses pollutions engendrées par le nombre et les dimensions gigantesques des machines qui se multiplient dans nos campagnes. Ces fermes ne se justifient pas par une quelconque efficacité mais par le nécessaire retour sur investissement imposé par les actionnaires de fonds d'investissement.
Produire de l'énergie renouvelable peut, par la nature du projet, avoir des implications diamétralement opposées : rejeté par les populations et polluant pour l'un, fédérateur et créateur d'emploi local pour l'autre.
Ces 3 années de recherches, d'études et de réalisations ont permis de structurer un projet ambitieux et emblématique : Créer un pôle expérimental de développement durable du territoire. Ils sont insatiables !!
De quoi s'agit-il ?
D'installer, sur une parcelle de 23 hectares jouxtant l'autoroute A89, à une altitude de 785 mètres, un complexe de production d'énergies renouvelables comprenant :

  • - une activité de production de plaquettes pour le chauffage bois (déjà existante),
  • - une éolienne de 50 mètres d'une puissance d'1 mégawatt (c'est pour cette année),
  • - la SCIC Combrailles Durables,
  • - une ferme solaire d'un hectare sur une surface rendue stérile lors des travaux de construction de l'autoroute avec une production attendue de 259000 kilowattheures par an,
  • - une culture de biomasse (taillis de saule et herbe à éléphants) pour la production d'énergie et valorisation de boues de stations d'épuration,
  • - une plateforme de compostage.

L'ensemble de ces productions sera complété par un centre pédagogique et de communication sur les énergies renouvelables ouvert au public et en particulier aux enfants des écoles. La proximité d'un échangeur d'autoroute devrait en faire un lieu d'arrêt privilégié.

Ancrer l'économie dans le local fédère les énergies (dans tous les sens du mot), crée du lien, fait émerger des solidarités, donne de la fierté et révèle des talents. Aucun de ces coopérateurs n'aurait pensé réaliser un tel projet, appréhender les compétences techniques, convaincre un banquier d'engager des sommes conséquentes, donner des conférences sur les énergies renouvelables et pourtant ils le font !

Références :


3. Illetrées, intouchables et ingénieurs

par Fabien, Responsable du site de Villemur-sur-Tarn

L'idée pouvait paraître saugrenue, et pourtant en Inde, des centaines de femmes illettrées et faisant partie de la caste des intouchables ont reçu du Barefoot College (le "collège aux pieds nus") une formation d'ingénieurs en énergie solaire. De retour dans leurs villages, elles y ont installé des panneaux et des piles solaires dont elles assureront l'entretien et la réparation, bouleversant ainsi durablement la vie de celui-ci. Mieux encore : elles ont appris à d'autres personnes des villages voisins à faire la même chose.

Mais comment cela a t-il été rendu possible ?

En Inde, une multitude de villages sont isolés et inaccessibles et seule l'électricité issue des panneaux photovoltaïques peut améliorer la vie des villageois. Cette production d'énergie renouvelable réduit en effet le coût de l'éclairage, permet de générer des revenus et favorise les activités éducatives, tout en limitant la pollution intérieure et les risques d'incendie dus à l'éclairage traditionnel au kérosène.

C'est pourquoi depuis 1989, le Barefoot College participe à l'électrification des villages ruraux du sous-continent en enseignant comment fabriquer, installer et assurer l'entretien des systèmes fonctionnant à l'énergie solaire en ciblant les femmes, et désormais plus particulièrement, les femmes appartenant à la caste des intouchables.

Convaincu que les solutions aux problèmes des pauvres en milieu rural se trouvaient dans la communauté, son patrimoine traditionnel et les nouvelles technologies, Bunker Roy a fondé à Tilonia le Barefoot College. Depuis 1972, des milliers d'hommes et de femmes illettrés ou semi-illettrés vivant dans les régions rurales de l'Inde ont ainsi pu développer les compétences pour devenir des professionnels "aux pieds nus" autonomes. Outre des ingénieurs en énergie solaire, le Barefoot College forme des avocats, des charpentiers et des sages-femmes.

Le Barefoot College n'est pas une initiative nouvelle, mais cet exemple prend une résonnance toute particulière dans le contexte actuel. Alors que les liens entre pauvreté et dégradation de l'environnement sont de plus en évidents, donner aux gens les moyens de s'en sortir par l'éducation devient particulièrement urgent.

L'illettrisme n'est pas un obstacle, les candidats apprennent à identifier les pièces par leur forme et leur couleur, à acquérir les compétences nécessaires en suivant des instructions mimées et à exécuter des tâches techniques en suivant des exemples. Le collège a rapidement perçu que les meilleurs candidats étaient les femmes d'âge moyen car elles font preuve d'humilité, il est donc facile de leur enseigner et elles sont acquises à leur village sans désir de partir.

S'émanciper pour s'assumer

Communément aux théories de Jeremy Rifkin sur l'énergie distribuée largement développé dans son ouvrage la "troisième révolution industrielle", Barefoot College pense qu'il importe de sensibiliser les communautés villageoises à gérer la technologie, la maîtriser et se l'approprier. La communauté d'un village pauvre peut faire fonctionner des unités solaires sans aide, à condition d'avoir été formée à les fabriquer ainsi qu'à les réparer et les entretenir.

Les candidatures pour étudier au collège ne manquent pas, mais pour que les projets d'énergie solaire fonctionnent et s'inscrivent dans la durée, il faut aussi que les villageois eux-mêmes s'investissent.

C'est l'objectif des visites du Comité énergie et environnement pour les villages (VEEC) du collège, lors desquelles les villageois sont informés des avantages de l'électricité et de la possibilité pour le village de bénéficier de l'énergie solaire et du coût de ce service. La communauté doit décider dans quelle mesure elle peut contribuer monétairement chaque mois à l'entretien et aux réparations et également choisir deux villageois pour aller suivre la formation de six mois à Tilonia.

Une fois que les villageois ont adhéré au projet en décidant de la somme qu'ils sont prêts à payer tous les mois, le VEEC les aide à choisir les femmes qui suivront la formation d'ingénieur en énergie solaire à Tilonia.

Durant leurs six mois de formation, les étudiantes suivent des cours dispensés par d'autres femmes illettrées ou semi-illettrées comme elles, qui leur enseignent comment :

  • - installer des panneaux solaires et les relier à des accumulateurs,
  • - construire des lanternes solaires,
  • - mettre sur pied un atelier électronique de réparation du système électrique solaire.

Les projets d'installation de centrale électrique à énergie solaire permettent non seulement l'autonomisation des villages, mais aussi et surtout celle des femmes qui en tirent une grande fierté et un nouveau statut.

Essaimer le collège aux pieds nus :

Au vu du succès de sa formule en Inde, et en particulier dans les régions reculées de l'Himalaya, le Barefoot college a décidé d'exporter son programme dans les pays en développement et les pays les moins avancés. L'Éthiopie et l'Afghanistan ont été les premiers à en bénéficier puis ont suivi le Bénin, la Bolivie, le Bhoutan, le Cameroun, la Gambie, le Malawi, le Mali, la Mauritanie, le Rwanda, la Sierra Leone et la Tanzanie, et enfin le Sénégal, Djibouti et le Soudan.

Au-delà du solaire

Barefoot College est une organisation non gouvernementale. La formation qu'il dispense ainsi que l'achat initial des panneaux solaires, des outils et de l'équipement pour les villages sont financés par différents organismes pour le développement.

Barefoot College a ouvert 549 écoles du soir en Inde, afin d'offrir des cours aux enfants qui ne peuvent pas aller à l'école le jour parce qu'ils aident leurs parents. Ses cours pour adultes comprennent notamment une formation à la collecte de l'eau de pluie et une autre où l'on apprend à construire des systèmes d'eau courante. Il existe aussi des cours d'artisanat pour aider les femmes qui restent à la maison à avoir un revenu. Barefoot College propose également des services de santé (il facture un montant nominal pour les médicaments) et sensibilise la population sur les questions d'hygiène.

Selon son fondateur, M. Roy, "Barefoot College suit le style de vie et de travail de Gandhi, qui repose sur un principe de grande simplicité dans la vie, l'alimentation et le travail. Les gens viennent ici pour le défi, et non pour l'argent. Personne ne peut gagner plus de 100 dollars américains par mois au collège. C'est la seule école où les papiers, les diplômes et les doctorats sont un désavantage, car la valeur d'une personne y est jugée sur la base de son honnêteté, son intégrité, sa compassion, ses compétences pratiques, sa créativité et sa capacité à travailler avec des gens sans discrimination".

En somme tout l'inverse de ce que construit notre société dite développée.

Références :

Crédits photographiques : C. Bibaut, Gane, Kaybee07, aNiCe

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