Valeurs Nature

25 - décembre 2012

La Lettre d'Information de Synphonat

Dossier de décembre
SIDA, espoirs et précisions

Dossier de décembre<br />Le point sur Alzheimer

Le 6 décembre dernier, France Info ouvrait son édition matinale sur l'annonce tonitruante de la découverte d'un gel permettant de bloquer le virus du SIDA. Cette prouesse scientifique avérée nécessiterait cependant un certain nombre de précautions oratoires avant d'emporter notre enthousiasme. Une bonne occasion de faire le point sur le VIH / SIDA.

Atteignant le stade épidémique depuis la fin des années 1970, le Syndrome d'ImmunoDéficience Acquise a longtemps fait l'objet de questionnements quant à ses origines et à ses causes réelles. Au début considéré comme une "maladie" n'affectant que des minorités aux comportements supposés risqués (homosexuels, toxicomanes), il n'a vraiment été pris en compte par l'ensemble de la population que relativement tardivement.

En l'absence de traitement définitif, les seules réponses efficaces proposées par les autorités sanitaires et politiques ont consisté à tenter d'enrayer la contagion par la sensibilisation au port du préservatif, voire à l'abstinence, à l'usage unique des seringues. Toutes ces pratiques ont certes permis de limiter la propagation du phénomène mais sans pouvoir ni le guérir, ni l'éradiquer.

Fin 2011, les chiffres publiés par l'ONUSIDA font état de 34 millions de personnes atteintes du VIH au niveau mondial, dont 2,5 millions contaminés au cours de l'année écoulée.

Le nombre de décès liés à la maladie est évalué à 1,7 million sur la même période. En France, le nombre de porteurs du virus est estimé à 150000 dont 30000 qui ne le sauraient pas.

Étant donné l'efficacité accrue des traitements et la limitation du risque de propagation en cas de diagnostic précoce, la question du dépistage ciblé est posée. Seraient concernés notamment les populations statistiquement les plus affectées, à savoir les homosexuels et les migrants.

Le SIDA ne se résume pas au VIH

Si à l'aune des connaissances reconnues sur le syndrome, les politiques de santé publique concernant le sujet sont tout à fait louables, un avis plus nuancé peut cependant être envisagé au regard de certains éléments.

Tout d'abord, comme en matière de campagnes de vaccination, des intérêts commerciaux évidents sont en jeu dans la décision de mettre en œuvre une politique de dépistage massif, quand-bien-même il ne serait pas généralisé. Ensuite, et c'est surtout là que le bât blesse, le SIDA ne se résume pas au VIH. Le virus est la cause communément admise de l'apparition des différentes manifestations qui constituent le syndrome. Ce syndrome, lorsqu'il se développe chez les personnes séropositives, constitue le dernier stade de l'infection par un rétrovirus qui a pour effet de provoquer l'effondrement de l'immunité cellulaire. En affaiblissant les défenses immunitaires, il expose l'organisme infecté aux maladies opportunistes qui, au final, sont susceptibles d'entraîner le décès.
Les mécanismes par lesquels certains porteurs du virus VIH sont protégés du développement du syndrome ne sont pas bien identifiés et l'étude de ces patients asymptomatiques à long terme pourrait conduire à des avancées thérapeutiques.

La lutte contre le virus, un enjeu majeur

Cette distinction faite entre virus et syndrome, il n'en demeure pas moins qu'en l'état actuel des connaissances, la lutte contre le virus représente un enjeu majeur.
Les recherches de vaccins, initiées par de nombreux laboratoires depuis la découverte du virus en 1983 par l'équipe de Jean-Claude Chermann sous la direction de Luc Montagnier, ne sont pas encore concluantes. Les traitements médicamenteux administrés sous forme de trithérapies sont, pour l'heure, ceux qui produisent les meilleurs résultats sur les patients déjà infectés par le virus mais ils restent lourds et coûteux.
Sur le plan de la prévention, depuis cette année, les autorités sanitaires américaines ont donné le feu vert à la commercialisation d'un nouveau médicament, le TRUVADA. Les études préalables à cet agrément n'ont toutefois pas démontré une efficacité systématique et le prix de vente du produit semble rédhibitoire pour une utilisation à grande échelle.

C'est dans ce contexte qu'intervient la découverte évoquée en introduction de ce dossier. Pour préciser le propos, il s'agit donc d'un gel microbicide à application préventive ayant pour bénéfice d'empêcher la contamination par le virus VIH souvent associé au développement du SIDA.

Un leurre pour détourner le virus de sa cible

Des équipes de recherche du CEA, du CNRS et de l'université Paris Sud sont parvenues à créer une sorte de leurre permettant de détourner le virus de sa cible : les lymphocytes du système immunitaire. Ce peptide, baptisé miniCD4, imite le point d'entrée habituel du virus et, en le trompant ainsi, permet d'éviter l'infection.
Les travaux de recherche ont, dans un premier temps, porté sur des explants de tissus cervicaux et colorectaux humains. Puis, pour tester in vivo l'efficacité du procédé, les chercheurs ont ensuite développé une étude sur douze femelles macaques, un modèle primate relativement proche de l'Homme, en administrant le miniCD4 sous forme de gel appliqué sur les sites d'exposition (zones génitales et rectales) de la moitié des sujets tandis que l'autre moitié, le groupe témoin, recevait un gel neutre.
Exposées à une dose de virus dix fois supérieure à celle provoquant usuellement une infection dans 50% des cas, cinq des six femelles traitées avec le gel microbicide sont restées totalement séronégatives. En revanche, l'intégralité des individus du groupe témoin a été contaminée. Plusieurs hypothèses pourraient expliquer le contamination de la sixième femelle traitée mais, en tout état de cause, elles ne remettent pas en question l'exceptionnelle efficacité de la stratégie retenue en proposant ce leurre au virus.

Présentée par le CNRS comme une étape incontournable avant l'accès aux phases cliniques sur l'Homme, cette étude est très encourageante. On peut cependant se poser quelques questions concernant les modalités d'une telle étude clinique : contrairement aux tests de traitements visant la guérison de sujets souffrant d'une affection, il faudra, en toute logique, passer par le recrutement de volontaires sains prêts à s'exposer au pathogène qu'est le VIH. Les équipes de recherche devront donc mettre sur pied un protocole permettant soit d'éviter le risque d'une contamination réelle, soit de rendre ce risque tolérable. Il est donc probable que les travaux complémentaires requis pour son élaboration prennent encore un certain temps avant que cette découverte puisse déboucher sur un produit exploitable.

En conclusion, après la phase de prise de conscience par les autorités sanitaires, puis par l'opinion publique, une meilleure information concernant le VIH et le SIDA resterait souhaitable pour mettre un terme à certaines simplifications hâtives. Après la responsabilisation des populations potentiellement exposées, des solutions thérapeutiques à la fois efficaces et abordables tardent à voir le jour. Les pistes les plus prometteuses actuellement à l'étude se concentrent sur la prévention au moment même du risque. Mais on est encore loin d'un hypothétique vaccin qui prémunirait contre la contamination par le virus et contre le syndrome d'immunodéficience acquise qui peut en découler.

Références :

  1. 1- article de France Info présentant la découverte d'un gel microbicide
  2. 2- également sur le site de France Info, un point sur les enjeux du dépistage
  3. 3- article complet présentant la découverte sur le site de la revue PLOS Pathogens
  4. 4- article assez exhaustif concernant le SIDA et son historique sur Wikipédia
  5. 5- article présentant Truvada sur le site du journal Le Monde

Actualité Synphonat

Joyeuses Fêtes !

Durant la période des festivités, notre actualité est plus calme. Beaucoup de projets sont en gestation et nous vous en dirons plus en début d'année prochaine.

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Crédits photographiques : Tom Thai

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