Lettre d'Information Synphonat
Numéro 20 - juin 2012

Bonjour,

Changement de saison. Les troupeaux ont rejoint les estives. Et avant qu'il soit temps pour certains d'entre nous de prendre, à leur tour, leurs quartiers d'été, cette lettre de juin met en relief l'attention vitale qu'il nous faut porter à cette nature trop souvent disparue de nos préoccupations.

Une nature pourtant proche quand des initiatives originales lui redonnent une place au cœur de nos cités ...
Une nature pas si lointaine non plus quand, depuis les endroits les plus reculés du globe, tout concourt à nous rappeler combien les destinées de nos cultures humaines sont indissociables de celles des autres espèces.

Bonne lecture à tous.


L'équipe Synphonat




1. Le bonheur est dans le Prés

par Arnaud, Responsable Informatique

Alors que l'étalement urbain fait débat, la question de la pérennité de la nature devient cruciale. La terre qu'elle soit nourricière ou d'agrément est indispensable dans nos vies.

La Ferme du Bonheur, une ferme pas tout à fait comme les autres, s'engage non seulement à préserver cette nature mais aussi à l'aménager, à la cultiver, à l'étendre. C'est une équipe motivée qui se réunit pour planter, sarcler, arroser ... et aussi pour un moment de partage.

Installée depuis plus de 19 ans à Nanterre, la Ferme du Bonheur, projet à l'initiative de Roger des Prés, comédien et amoureux de la nature, vous invite chaque dimanche à célébrer et à travailler la terre. Avec l'aide de bénévoles, l'équipe de la Ferme du Bonheur réussit petit à petit à transformer des friches laissées à l'abandon en véritables espaces paysagers.

Accolé à l'université de Nanterre et à l'école de cirque, les Arènes de Nanterre, surplombé par des logements HLM, c'est un lieu atypique dans lequel vous pénétrerez. Deux vieux pianos et une grande porte en bois marquent l'entrée. On sonne à la grosse cloche en bronze.

Efficacité et charme de la récupération l'auto-éco-construction c'est ainsi que s'agrandit et s'agence ce lieu.
Un bar en bois de seconde main a été installé devant une vieille caravane réaménagée en cuisine. A côté, se situe le "favela-théâtre" construit avec des poteaux électriques récupérés, sur lesquels ont été fixées des bâches transparentes en guise de parois, pour conserver la luminosité, une toiture en tôle ondulée, sur des plans dessinés par l'architecte Patrick Bouchain. Juste en face s'installe "le Bal forain" une sorte de jardin d'hiver. Pourquoi ces deux grandes bâtisses ? Parce que la Ferme du Bonheur se développe sur deux projets majeurs, elle s'attèle tout autant à nourrir notre corps (le pôle environnement) que notre esprit (le pôle culturel). Au-delà d'investir les friches, elle accueille aussi des troupes pour des représentations culturelles multiples et variées.
Durant les dimanches de juin, le pôle environnement est à l'honneur. Revenons donc à nos moutons, au sens littéral. Parce qu'une ferme ne serait pas une ferme sans son verger, son potager, son poulailler et bien-sûr ses étables où s'acoquinent animaux en tous genres. Début d'après midi, il est temps de partir pour le P.R.E. (parc rural expérimental).

Commence alors la promenade publique que Roger des Prés organise avec son équipe depuis maintenant 3 ans et qui lui a permis de découvrir ces friches coincées entre les tours d'habitation de la garde républicaine et le RER A. Totalement laissé à l'abandon par les politiques de la ville, cet espace se situe sur une dalle de béton, sous laquelle circulent des milliers de voitures. Avec les six mètres de terre recouvrant l'A14, ce lieu n'est pourtant pas inaménageable, la preuve ...
C'est en décembre 2008 que la Ferme du Bonheur prend autorité sur cet espace abandonné. Elle se l'approprie pour le réaménager et y plante, de manière symbolique, un néflier. En 2009, le terrain est défriché et la plaine de céréales semée. Des murets en pierres sèches délimitent les parcelles. Ici l'action est de mise, on y sent aussi la réflexion et surtout l'engagement. En moyenne, une vingtaine de bénévoles s'y active chaque dimanche. Sans compter les gamins des tours avoisinantes qui ont découvert un vrai terrain de jeu. Le potager prend forme, les semis récupérés sont plantés, les moutons profitent de la bonne herbe.
Cet espace constituera prochainement une véritable antenne de la ferme.

Parce qu'en effet, il s'agit d'un paysage qu'on transforme et qu'on améliore ! La Ferme du Bonheur, un lieu hors du commun, tire sa force non seulement de la pluridisciplinarité et mais aussi de l'énergie qu'elle arrive à transmettre à un public, avide de changement.

Références :


2. Langues et biodiversité

par Frédéric, Responsable Marketing Multicanal

Rio+20, le Sommet de la Terre édition 2012, approche à grands pas.

Les précédentes recontres ont notamment abouti à des abérations comme le commerce généralisé des crédits carbones et les organisations spécialisées dans la défense de l'environnement n'osent pas espérer grand chose de concret de l'évènement qui doit se tenir du 20 au 22 juin dans la capitale brésilienne ... Les intérêts privés des grands groupes ont de fortes chances d'y occuper une place prépondérante.

Pourtant tous les signes concordent : Ce sommet ne peut pas être un simple prétexte. Notre planète est mal en point. L'activité humaine n'y est pas étrangère. Et le devenir de l'Homme est intimement lié à celui des écosystèmes qui l'accueillent.

Une nouvelle étude publiée dans les Proceedings of the National Academy of Sciences dévoile un aspect méconnu de cette relation avec la Nature : les langages humains, manifestations des cultures, se raréfient en lien avec la disparition des espèces.

De précédentes recherches avaient mis en évidence la forte coïncidence des aires de grande diversité biologique avec celles présentant une diversité linguistique élevée. Ces nouveaux travaux vont plus loin car ils ont bénéficié de jeux de données beaucoup plus étendus et détaillés. Ces-derniers ont permis de déterminer que 70% des langues du monde étaient pratiquées dans les régions les plus riches d'un point de vue biologique.
Les auteurs se sont basés sur des informations internationales récentes pour situer, d'une part, plus de 6900 langages répertoriés par Global Mapping International et, d'autre part, les emplacements des hotspots de biodiversité et autres étendues sauvages à forte biodiversité recensés par Conservation International. Ils ont ainsi établi que les langages présents dans ces fameux "hotspots" étaient souvent endémiques et que, de manière comparable à la faune et à la flore, ils couraient un risque d'"extinction".

Les chercheurs se sont intéressé à 35 hotspots - lieux caractérisés par un nombre d'espèces endémiques exceptionnellement élevé dont 70% au moins de l'habitat a d'ores et déjà disparu. Bien qu'ils ne représentent que 2,3% de la surface de la Terre, ces points sensibles recèlent à eux seuls plus de la moitié des espèces de plantes vasculaires et 43% des espèces vertébrées terrestres, pour ne citer qu'elles. Or ils abritent également des populations parlant 3202 langages, soit près de la moitié de toutes les langues encore en usage à l'heure actuelle sur la planète.

Les données concernant 5 vastes "étendues sauvages" à forte biodiversité ont aussi été passées au crible. Pour 6,1% de la surface terrestre, ces dernières comptent respectivement 17% des espèces de plantes vasculaires, 6% des vertébrés terrestres et 1622 langages supplémentaires.
Or, d'après Larry Gorenflo, des Instituts de l'Énergie et de l'Environnement de l'Université de Pennsylvanie, principal auteur de ce rapport, il en ressort que les conditions de l'extinction des espèces sont également, semble-t-il, celles de l'anéantissement des langages.

Bien que les facteurs explicatifs varient fortement d'une région à une autre, compliquant l'établissement d'une relation causale évidente entre les deux phénomènes, les conclusions de l'équipe pointent du doigt la responsabilité de l'expansion des cultures et usages de quelques sociétés ultra-dominantes. À l'inverse, elles plaident en faveur du rôle joué par les pratiques et systèmes culturels incarnés par les locuteurs de certains dialectes indigènes non migrants dans la préservation de la biodiversité.

L'idée qui fait donc son chemin au travers du propos de ces scientifiques est d'envisager la création d'une liste des langages menacés d'extinction sur le modèle de la liste rouge de l'UICN qui fait référence pour la protection des espèces.
L'uniformisation des modes de vie et de pensée nous posait déjà, instinctivement, un problème. Voilà donc que, d'un point de vue rationnel, l'importance de la diversité bioculturelle se rappelle à nous comme condition incontournable de notre préservation.

Références :

Crédits photographiques : S. DDT, S Pakhrin, Tim

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