LA PAPAYE PORTE TOUTE L’HISTOIRE DE LA VIE VEGETALE

Avant de rentrer dans l’actualité de cette période, revenons aux origines.

Le génome (l’ensemble des  gènes) de la papaye a été récemment décrypté comme celui de nombreuses autres plantes à fleur. L’analyse de ces différents génomes a permis de comprendre comment ces plantes se sont adaptées à leur environnement.

Les chercheurs de l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique) ont montré que les plantes modernes sont issues d’un ancêtre commun qui daterait selon des études récentes [1] de 214 millions d’années. Cet ancêtre était composé de près de 10.000 gènes ancestraux que l’on retrouve aujourd’hui dans toutes les variétés de plantes à fleurs. Ces gènes commandent les fonctions élémentaires du développement des plantes.

Par ailleurs, l’observation de ces génomes a révélé l’existence d’une duplication de leur contenu chromosomique à différent temps de l’histoire évolutive. Cela a permis une grande diversification et variabilité des gènes offrant plus de possibilités d’adaptation des plantes à leur environnement. Cette duplication du génome a eu lieu, pour certaines plantes, relativement récemment à l’échelle de l’évolution (quelques millions d’années) comme le maïs, le soja, le pommier ou le peuplier. Mais on retrouve des duplications bien plus anciennes (plusieurs dizaines de millions d’années) pour la papaye et d’autres espèces telles que le riz, la vigne ou le sorgho. Enfin, certaines duplications sont communes à toutes ces plantes : on parle de paléo-duplications qui ont pu avoir lieu en réponse à la phase d’extinction majeure des espèces vivantes lors de la transition tertiaire/crétacé, il y a 65 millions d’années.

Le génome de la papaye et des plantes modernes porte ainsi toute l’histoire de la vie végétale.

COMMENT LA PAPAÏNE PEUT FAIRE ECHOUER UN DESSERT DE NOËL LAMENTABLEMENT![2]

Expérience : Commençons par faire tremper des feuilles de gélatine dans l’eau froide, puis dissolvons-les dans de l’eau chaude. Versons cette solution de gélatine dans un pot et attendons qu’elle prenne en gelée. Quand elle est prise, enfonçons dedans des morceaux de papaye fraiche. Attendons une nuit : la gelée est détruite, réduite en un liquide où flottent les morceaux de papaye. 

Pourquoi ce désastre culinaire ? la gélatine que l’on a utilisée pour faire la gelée est précisément une protéine : dans la gelée, ces molécules de gélatine, analogues à de longs fils, se sont attachées pour former un réseau, c’est-à-dire comme un filet de pêcheur qui piégerait les molécules d’eau ; l’eau étant immobilisée, elle ne peut plus bouger, ne coule pas, devient un gel. Or, la papaye contient des protéines d’une sorte particulière, que l’on nomme des enzymes, et, plus particulièrement, des enzymes qui ont la propriété de découper les autres protéines. Pendant la nuit de repos, les enzymes de la papaye ont découpé les molécules de gélatine en petits morceaux ; elles ont défait le gel. Cette propriété est aussi utiliser depuis des millénaires pour attendrir la viande et même le cuir !!

Comment, alors, faire des bavarois à la papaye ? Il suffit de savoir que les enzymes, qui sont comme de longs fils repliés sur eux-mêmes, perdent leur activité quand ils sont déroulés. Or le chauffage déroule les protéines. Chauffez la papaye à une température supérieure à 70° avant de l’introduire dans votre gelée ou de le mettre en contact avec de la gélatine. Et sachez que le même effet se produit avec l’ananas, la figue ou le cassis. Même problème, même solution.

ET SI VOUS AVEZ PEUR DE MANQUER LE BAVAROIS, PREPAREZ LA BAVAROISE[3]

La bavaroise est une boisson antillaise semblable au milk-shake. Souvent réalisée à base de papaye, on peut la décliner avec de la goyave, corossol, banane…

INGRÉDIENTS :

  • 1 grosse papaye bien mûre
  • 1 cc d'essence de vanille
  • lait concentré sucré au goût
  • zeste de citron vert
  • amande amère
  • rhum facultatif
  • glaçons
Bavaroise


PRÉPARATIONS

  1. Couper la papaye en deux dans le sens de la longueur et retirer les graines à l'aide d'une cuillère.
  2. Prélever la chair délicatement toujours à l'aide d'une cuillère et réserver dans le bol d'un blender.
  3. Ajouter le lait concentré sucré.
  4. Parfumer avec le zeste de citron, la vanille et quelques gouttes d'amande amère.
  5. Ajouter des glaçons et mixer une minute à pleine puissance. Il ne faut pas hésiter à goûter et ajuster la quantité de lait concentré sucré...
  6. Servir bien frais

ET POUR LA DIGESTION DES REPAS DE FÊTES, PENSEZ PAPAYE !

découpages des proteines

L’enzyme responsable du désastre culinaire décrit plus haut s’appelle la papaïne. Présente dans le latex de la papaye (partie sous la peau), elle mime ce qui se passe dans notre tube digestif lors de la digestion des protéines.

Les protéines alimentaires d’origine animale (viandes, poissons, œufs, fromages) ou végétale (légumes secs, graines oléagineuses, céréales) sont dénaturées par l’acidité de l’estomac puis digérées par des enzymes présentes au niveau de l’estomac et de l’intestin grêle. A l’issue de cette digestion, il restera les petites perles isolées ou associées par 2 ou 3 appelés di ou tri-peptides. Ils passeront la barrière intestinale et seront transportés par le sang jusqu’aux organes et tissus de l’organisme. Les cellules utiliseront ces acides aminés pour former de nouvelles protéines et renouveler les tissus. Ce renouvellement des protéines concerne principalement le muscle (20% du renouvellement), le foie (10%), la peau (15%) et l’intestin (15%). 

Un concentré de papaye, extrait du latex de celle-ci, riche en papaïne, facilitera la digestion d’un repas un peu trop copieux riche en protéines comme celui des fêtes!

APRES LA DIGESTION EMERVEILLEZ-VOUS DEVANT « L’ODEUR DE LA PAPAYE VERTE»

l'odeur de la papaye verte

Pour Noël, nous vous proposons de découvrir ou redécouvrir le premier film de Tran Anh Hung, « l’odeur de la papaye verte[4] » qui remporta la caméra d’or au festival de Cannes en 1993. Tourné exclusivement avec des acteurs vietnamiens et un petit budget, c’est un magnifique poème sur les femmes, sur leur vie quotidienne, leurs sacrifices et l’intemporalité des gestes maternels. Nous suivons le parcours de la petite Mui qui après une journée de voyage arrive dans une famille de commerçant à Saigon où elle apprend à devenir la petite servante de la famille. On la retrouvera à 20 ans chez l’ami du fils de la famille qui lui apprendra à lire, à écrire et l’instruira. Le réalisateur fait un parallèle doux, lent et multi-sensoriel entre le mûrissement de la papaye qui change de couleur, comme son film, passant du vert au jaune puis au rouge et la maturation de Mui. C’est un film qui  traite avec un bonheur et une délicatesse infinie de l’émerveillement. Comme le décrit Michèle Balloche[5] dans son analyse, il ressort de ce film une image d’accomplissement, de plénitude, d’épanouissement dans la maternité et d’élévation avec Mui comme incarnation de Bouddha.