Après avoir très fortement reculé grâce à l’hygiène et aux découvertes pasteuriennes, les maladies infectieuses augmentent depuis les années 1920 nous rappelle Serge Morand (Serge Morand (2020) L’hebdo le 1 n°288 (18/03/20), écologiste de la santé et directeur de recherche au CIRAD : Epidémie de typhoïde dans les tranchées de la 1ère guerre,  émergence après la seconde guerre mondiale de tout un ensemble de virus, bactéries, parasites transmis par les insectes (poux, tiques, puces) puis, depuis les années 70, par la faune sauvage. Il en est ainsi des pandémies de grippe aviaires venues du sud de la Chine, et de celles dues à la famille du coronavirus que nous vivons aujourd’hui. La différence est que les virus de la grippe sont transmis par des oiseaux et utilisent un hôte intermédiaire le porc, dont les voies respiratoires accueillent aussi bien les virus humains qu’aviaires, avant de passer à l’homme. Les coronavirus sont, quant à eux, portés par la chauve-souris.

Comme l’explique Frédérick Keck (Frederick keck (2020) L’hebdo le 1  n°291 (08-04-20)), anthropologue et directeur du laboratoire d’anthropologie sociale (CNRS, collège de France, HESS), les chauves-souris vivent en colonies et ont développé des capacités de résistance immunitaire à ces virus qui pourraient expliquer également leur longévité (30 ans). Elles hébergent ainsi une quantité affolante de ce virus. La destruction des habitats de ces animaux volants les poussent à se rapprocher des territoires urbanisés.

chauve souris coronavirus

Serge Morand alerte également sur la dangerosité des pratiques mêlant animaux sauvages et domestiques très usités en Asie pour augmenter la résistance de ces derniers mais aussi leurs qualités gastronomiques et nutritives. Le coronavirus est né en 2002, en Thaïlande, dans des fermes d’élevage de civettes, petits mammifères sauvages, qui côtoient des animaux domestiques. « Nous créons ainsi des conditions écologiques improbables et propices aux pandémies » nous explique-t-il car les risques d’infection depuis la faune sauvage sont très faibles. Il faut qu’il y ait des contacts rapprochés pour que ce risque apparaisse. La destruction des habitats des animaux sauvages associée à l’élevage intensif d’animaux génétiquement identiques est pour Serge Morand le meilleur moyen de fabriquer des agents pathogènes.

Patrick Debré médecin (Patrice Debré (2020) L’hebdo le 1 n°291 (08/04/20)), membre de l’académie de Médecine et professeur d’immunologie à la Sorbonne résume et complète ce qui vient d’être dit ici, concernant les facteurs de risque des pandémies tous liés à la mondialisation de nos modes de vie.

  • La concentration des populations dans les sites urbains en particulier lorsque ces mégalopoles sont proches des zones  à forte biodiversité (Asie du sud, Afrique).

  • L’impact des voyages et échanges commerciaux en rappelant que le trafic aérien a augmenté de 6% en 2018.
  • Le rôle de la faune sauvage suite aux pratiques agricoles et à la déforestation qui ont bouleversé l’écologie et celui de l’élevage industriel.
  • La résistance des microorganismes aux traitements médicamenteux, antibiotiques en tête.
  • Le réchauffement climatique qui pourrait modifier aussi bien la virulence et la sélection des microbes que la répartition, la migration et l’abondance des animaux réservoirs.

Par ailleurs, l’aspect culturel est souvent négligé dans ce monde globalisé. Ainsi, Frédérick Keck rapporte la vision symbolique de la pandémie à travers la culture chinoise. Ainsi, les chinois font un lien entre les animaux volants, oiseaux comme chauves-souris et les maladies qu’ils induisent qui sont des maladies respiratoires transmises par voie aérienne. Or, la transmission mondiale de ce virus extrêmement rapide se fait également par voie aérienne ! Pour eux, nous sommes malades des animaux volants parce que nous sommes malades d’être devenus des animaux volants. A la différence près que l’avion consomme beaucoup d’énergie contrairement à la chauve-souris qui a réduit son coût métabolique au cours des millénaires écoulés !  Apprenons d’abord à réduire notre coût énergétique conclut-il! Nous allons voir comment maintenant.

ETAT DES LIEUX EN FRANCE

Dans les pays occidentaux, la viande est l’ingrédient principal du plat. Difficile de concevoir un repas sans viande ou poisson. En France, la viande est aussi une tradition d’élevage et de terroirs. Elle possède ainsi le cheptel bovin le plus important d'Europe, avec 25 races bovines différentes. Elle approvisionne 75% de la viande de bœuf consommée par les français, 60 à 70% des volailles, 98% du porc et 70-75% de la charcuterie. Les ovins sont, par contre, essentiellement d’origine étrangère, (Angleterre, Nouvelle Zélande).

consommation de viande

Majoritairement française la viande de nos assiettes ? Pas si sûr ! Ces chiffres sont, en effet, à prendre avec précaution car la vie moderne nous amène à moins cuisiner et donc faire plus souvent appel aux plats préparés. Or, la réglementation n’impose la mention d’origine que pour la viande fraiche et non pour les produits transformés. Ainsi, dans ces derniers mais hélas aussi dans les restaurants et les cantines, la viande est souvent voire essentiellement importée jusqu’à 87% pour la volaille en restauration collective !

Rappelons, cependant, que le transport ne représente que 20% de l’empreinte carbone dans notre assiette. C’est donc bien le mode de production (pesticides, fermentation entérique de la vache, fertilisants, énergie, matériels) qui est, de très loin, le plus impactant pour notre écosystème.

L’alerte faite sur les effets néfastes de la viande rouge sur la santé semble porter ses fruits. En effet,  depuis 10 ans, notre consommation de viande a diminué de 12%. C’est un bon début mais il est insuffisant et il existe, en outre, un transfert de la consommation de viande de ruminants (29% vs 39% en 1970) vers celle de porc. Cette dernière prend la première place avec 40% tandis que la volaille progresse de 4% par an et atteint 28% en 2016. Or, l’élevage de porc/volailles/œufs a un impact négatif sur nos cours d’eau (eutrophisation marine). Les efforts doivent donc être poursuivis pour faire d’une pierre trois coups ! Améliorer la santé des individus, réduire les impacts environnementaux (émission de gaz à effet de serre, acidification de l’air, eutrophisation marine) et participer à la prévention des pandémies à venir.

DEVENIR CONSOMM'ACTEUR

Rappelons, avant tout, que l’homme moderne est beaucoup moins dépensier en énergie que son ancêtre préhistorique. Une femme dépense en moyenne 1700kcal par jour et un homme 2200kcal. Il n’a pas non plus la même stature. Ainsi, ses besoins en protéines ne doivent représenter que 12% de sa ration alimentaire. Par ailleurs, la qualité de la viande domestique est très différente de celle du gibier sauvage. Elle est plus grasse avec, en particulier, plus de graisses saturées que l’on sait néfastes pour la santé.

La quantité comme la qualité de la viande achetée aura un impact sur les 3 facteurs mentionnés : santé, environnement et pandémies. Des circuits courts, des viandes issues d’élevages respectueux de l’environnement sont deux critères importants pour agir positivement. Il semble que le Covid-19 pousse dans ce sens. On assiste à un regain pour les achats de proximité ainsi que pour les produits bio qui inspirent une plus grande confiance dans cette période de crise sanitaire incertaine.

Cependant, une diminution de 12% de la consommation de viande observée en 10 ans est encore très insuffisante puisque l’apport en protéines, en France, représente encore aujourd’hui 15 à 20% de la ration avec une part trop importante de protéines animales. L’objectif est donc de passer de 2/3 de protéines animales et 1/3 de protéines végétales à 50% de chaque[1].

Pas d’inquiétude, une étude très récente[2] montre qu’une diminution de 40% de protéines animales avec une réduction de 80% de la viande de ruminants (bœuf, veau) compensée par une augmentation de lait et de féculents n’entraînent aucun déficit nutritionnel à l’exception du fer si la part végétale est importante. Il est alors recommandé, en particulier chez la femme jeune (12-50 ans) de faire appel une fois par semaine aux aliments qui en sont riches (boudin, abats, mollusques) ou de se supplémenter.

On peut aussi, bien entendu, compenser cette diminution de protéines animales par des protéines végétales, légumes secs (fèves, pois chiches, lentilles, haricots secs) et graines oléagineuses (amandes, noix de cajou, pignons) comme le vante si bien Géraldine Meignan. Journaliste et ex-grand reporter, elle nous invite à les découvrir dans son petit livre « la cuisine d’un monde qui change. «Elles ont tout pour plaire : bon marché, variées et dotées d’un profil nutritionnel irréprochable. Elles sont pleines de textures et de saveurs qui se conjuguent à l’infini, aussi réconfortantes et rassasiantes que la viande. Mieux encore, les légumineuses captent l’azote de l’air et le restituent dans le sol, offrant un engrais vert naturel et précieux pour les agriculteurs. Bon nombre d’entre elles se marient parfaitement comme les lentilles corail et le curry ; les pois chiches et le tahin, la fève et la pistache. Les haricots blancs et les palourdes fonctionnent à merveille. On redécouvre, on ose, on se surprend à aimer les pois chiches, les lentilles, les haricots blancs pour taquiner un poisson ou une salade ».

Ainsi, par ces régimes appauvris en viandes nous devenons consomm’acteurs en répondant à la définition des régimes alimentaires durables tels que décrit par la FAO (Food and Agriculture Organisation ou Organisation des Nations Unis pour l’alimentation et l’agriculture) : Ce sont des régimes « à faible impact environnemental, protecteurs et respectueux de la biodiversité et des écosystèmes, culturellement acceptables, physiquement accessibles, économiquement justes et financièrement abordables ; nutritionnellement adéquats, sûrs et sains ».

Et pour les inconditionnels de la viande, une petite recette de cuisine de Géraldine pour faire le bon choix parmi les produits animaux. En effet, le collagène, d’origine animale, représente 35% de notre masse protéique. On le retrouve dans les plats traditionnels longuement mijotés par nos grands-parents ; ce qui en facilitait l’assimilation : Petits salés aux lentilles, osso bucco, bœuf bourguignon, pot au feu… « Inversez juste la tendance en explorant la richesse des légumes de pleine saison, en composant des assiettes aussi vertes que savoureuses avec des légumes, beaucoup de légumes, et un peu de viande ». Les végétariens profiteront tout aussi bien de la recette du potage sans le pied de cochon ! Ils seront, par ailleurs, plus économes en  énergie ! (durée de cuisson moindre).

POTAGE BUTTERNUT, TOPINAMBOURS ET PIEDS DE COCHONS GRILLES

légume

Pour le pied de cochon : 1 pied de cochon, 1 oignon, 1 carotte, 1 poireau, 2 clous de girofle, 2 gousses d’ail, 2 branches de thym, 1 feuille de laurier

Pour le potage : 1 courge butternut, 1branche de céleri, 1 oignon, 3 carottes, 3 topinambours, 1 càc de curcuma, 1 càc de gingembre, 1 càc de paprika, 25cl de lait de coco, poivre et sel.

La veille, faire tremper le pied de cochon toute une nuit dans de l’eau froide au frais. Déposer le pied de cochon dans un faitout, couvrir d’eau à hauteur. Porter à ébullition. Ecumer. Ajouter 1 oignon coupé en 4 piqué de 2 clous de girofle, 2 gousses d’ail, 2 branches de thym, 1 feuille de laurier, 1 carotte et 1 poireau coupé en tronçons, du poivre. Cuire à frémissement pendant 2h à 2h30 (la viande doit se détacher facilement). Saler. Laisser tiédir. Désosser. Déposer la chair recueillie sur un film étirable et rouler en ballotine bien serrée. Réserver au frais.

Confectionner le potage. Eplucher et ciseler l’oignon, tailler la branche de céleri et la courge butternut, éplucher et tailler les topinambours et les carottes. Faire suer l’oignon et le céleri, ajouter la courge, les topinambours, les carottes, les épices, le lait de coco et 1l d’eau. Cuire 30mn. Mixer.

Taille le pied de cochon en rondelle. Griller dans une poêle à feu vif pour bien colorer. Déposer sur le potage fumant.


[1] Synadiet Revue de presse avril 2020
[2] M. Perignon and al. (2019) Cah. Nutr. Diet. N°54 (6): 336-346

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benedicte guiu directrice scientifique synphonatTexte publié par Bénédicte GUIU - Directrice Scientifique Synphonat

Toujours convaincue de la nécessaire symbiose de l’homme avec son environnement, mon souhait est de vous faire partager l'éclairage qui replace l’homme dans son histoire évolutive et offre des clés de compréhension de ces capacités d’adaptation à son environnement.

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