Ceci est bien illustré par une étude récente ayant démontré que les chasseurs-cueilleurs traditionnels, au style de vie proche de notre ancêtre Homo sapiens, ont une dépense énergétique totale équivalente à celle des hommes modernes sédentaires et obèses. Deux modes de vie très différents, l’un actif l’autre non, mais pour lesquels, l’organisme doit faire avec son histoire ancienne pour s’équilibrer : bouger ou prendre du poids.
“Our genes permit us to become obese, the environment determines if we become obese” (Wienser and al. 1998).
Nous allons tenter d’expliquer ce phénomène et de vous motiver à rester au-dessus de ce minimum accessible à tous puisqu’il ne demande aucunement de s’inscrire dans un club de sport !
ADAPTATION SPONTANEE ENTRE APPORTS ET DEPENSES, LES RESULTATS DE L’EVOLUTION
Pour comprendre ce phénomène, il convient de rappeler que tout être vivant est soumis aux lois de la conservation thermodynamique et répond donc au principe de conservation de l’énergie. Son organisme n’a donc de cesse d’équilibrer sa dépense énergétique à ses apports et inversement. Voici 3 exemples :
- Exemple d’un cycliste du tour de France qui adapte spontanément ses apports à sa dépense pour limiter au maximum la perte de poids (-1kg en 3 semaines malgré une dépense énergétique moyenne de 6500kcal). La courbe des apports est quasiment identique à celle des dépenses.
- Chez des sujets de poids normal, lors de longues périodes d’inactivité physique (alitement forcé pendant 2-3 mois), l’apport alimentaire est diminué proportionnellement à la dépense énergétique totale. Ainsi la balance énergétique peut être maintenue sur le long terme.
- Enfin, d’autres travaux ont montré que, lorsque l’on remet en place une activité physique structurée chez des personnes âgées (marche régulière, aquagym, gymnastique etc.), elles réduisent spontanément les activités de leur vie quotidienne (marche, ménage, jardinage etc.) faute de parvenir à augmenter suffisamment leurs apports.
Voici donc différentes façons d’équilibrer la balance, en augmentant ou réduisant l’apport alimentaire ou en diminuant les dépenses. Ces comportements sont spontanés car le résultat d’une activation des signaux de faim ou de satiété. Nous allons voir que ces comportements qui permettent de maintenir l’équilibre n’apparaissent qu’en présence d’une dépense physique minimale.
UN NIVEAU CRITIQUE D’ACTIVITE PHYSIQUE CHEZ L’ÊTRE HUMAIN MODERNE
Le Niveau d’Activité Physique (NAP), détermine la Dépense Energétique Totale (DET) qui comprend en réalité 3 composantes :
- Le métabolisme de repos qui correspond à l’énergie dépensée par le fonctionnement de nos organes et de notre cerveau lors du sommeil. Il varie peu d’un individu à l’autre (3 à 8% selon leur corpulence) et dépend essentiellement de la masse musculaire. Ainsi, le métabolisme de repos est légèrement plus élevé chez l’homme que chez la femme (1420kcal/j vs 1350kcal/j) en raison d’une masse musculaire plus importante.
- La thermogénèse post-prandiale (production de chaleur après le repas) c’est-à-dire ce que l’on dépense comme énergie pour digérer son repas. Elle correspond en moyenne à 10% de l’énergie que l’on a ingérée.
- La dépense liée à l’activité physique. C’est la dépense qui varie le plus sur 24h. On dépense pendant le sommeil l’équivalent de son métabolisme de repos. Une marche lente correspond à 2 fois la dépense du sommeil et le vélo sportif 4 fois cette même dépense.
Extrait du cours du Dr G. Pérès (faculté de médecine de la pitié Salpétrière-2010)
Le Niveau d’activité Physique (NAP) se mesure par le rapport de la dépense énergétique totale sur le métabolisme de repos (DET/MR). Un NAP compris entre 1 et 1.4 définit un individu sédentaire. Un NAP compris entre 1.9 et 2.5, un individu très actif.
Où en sommes-nous aujourd’hui ? La comparaison avec nos aïeux qui vivaient il y a 150 ans est édifiante puisque 16km/j de marche est l’équivalent du surplus d’activité physique qu’ils dépensaient, soit 2.8 fois plus qu’aujourd’hui.
Le Niveau D’activité Physique minimal en-dessous duquel toute régulation spontanée n’est plus possible se situe à 1.7-1.8. Cela correspond à un apport alimentaire moyen de 2300kcal par jour (avec un métabolisme de repos de 1300kcal). Or, c’est l’apport moyen des hommes en France ! Quant aux femmes, elles consomment en moyenne 1750 kcal. Ce qui signifie bien que la dépense physique en France est très faible et le risque de basculer dans le surpoids très élevé. Nous sommes bien, aujourd’hui, arrivés au seuil critique. Pour l’équipe interdisciplinaire du département éthologie, écologie, physiologie du CNRS (centre National de Recherche Scientifique) de Strasbourg, la responsabilité du démarrage de la pandémie d’obésité revient à un niveau d’activité physique descendu en-dessous de ce seuil critique.
PERTE DES POSSIBILITES DE REGULATION DU POIDS EN CAS D’INACTIVITE
On relit classiquement la prise de poids à un défaut d’utilisation des matières grasses (lipides) qui sont alors stockés. En réalité, la balance des lipides (équilibre entre oxydation et stockage) s’aligne rigoureusement sur la balance énergétique et donc sur le niveau d’activité physique qui est la composante principale de la dépense énergétique totale, comme nous l’avons vu plus haut.
En l’absence de dépense physique, les lipides (acides gras) ne sont plus utilisés par le muscle ni par les cellules pour faire de l’énergie. On observe une augmentation des triglycérides, un foie gras et une accumulation de gras dans le muscle. Curieusement, ce sont surtout les graisses saturées (acide palmitique que l’on trouve dans les viandes ou l’huile de palme) qui s’accumulent et non les graisses insaturées telles que l’huile d’olive. Ceci s’observe chez un sujet en surpoids mais on peut induire les mêmes résultats chez un sujet sain que l’on force à l’inactivité. Ainsi, c’est bien cette inactivité qui induit les anomalies dans l’équilibre de la balance des lipides puis la prise de poids.
Les auteurs de ces travaux parlent de flexibilité métabolique induite par l’exercice. C’est-à-dire, la capacité de l’organisme à adapter l’utilisation des aliments ingérés, et en particulier des lipides, à la demande énergétique. Cela permet de s’adapter à une suralimentation temporaire. Outre, le surpoids, la perte de flexibilité métabolique liée à l’inactivité n’est pas sans conséquence sur la santé. Elle génère, en effet, diabète, augmentation des lipides sanguins (cholestérol, triglycérides) et maladies cardiovasculaires.
L’ACTIVITE PHYSIQUE SPONTANEE DE TOUS LES JOURS, LE GRAAL DU POIDS STABLE
On distingue 2 types d’activités physiques qui influenceraient différemment le métabolisme des lipides :
- l’activité physique structurée, c’est-à-dire celle qui correspond à une activité volontaire : tennis, natation, jogging…
- l’activité spontanée qui est celle liées aux activités quotidiennes : se lever, monter les escaliers, passer le balai, jardiner, bricoler, se déplacer à pied pour aller au travail, aller acheter le journal ou le pain, sortir le chien, jouer avec les enfants etc.
Il ressort des études que l’entrainement physique n’est pas efficace sur la remise en route des processus de régulation. L’activité spontanée apparait, par contre, très corrélée à la masse grasse. Dans une étude de la clinique Mayo aux Etats-Unis, les sujets obèses restent 2.5 fois plus longtemps assis que les sujets minces. Même après amaigrissement, l’activité spontanée n’est pas modifiée. Le risque de rechute est alors majeur. Les études montrent en effet que la réponse à la suralimentation est très liée à la capacité à moduler l’activité physique spontanée et non à l’intensité de l’activité physique.
L’activité spontanée de tous les jours a donc 3 fonctions majeures :
- La régulation du poids
- La régulation de l’appétit et donc des sensations de faim, de satiété et de rassasiement.
- La protection vis-à-vis du diabète, du surpoids et des maladies cardiovasculaires.
L’équipe strasbourgeoise conclue donc, à l’issue de ses nombreux travaux que, tant qu’une activité physique sera maintenue à un niveau suffisant, la prévalence de l’obésité restera faible même en présence de changement alimentaire. A contrario, dès que cette activité physique tombe en-dessous d’un certain seuil situé à 1.7-1.8, elle atteint le point critique en-dessous duquel toute régulation sur le long terme devient impossible quelle que soit la restriction alimentaire. Ceci explique qu’en l’absence d’une remise en mouvement quotidienne et à vie, les régimes échouent !
Alors, dressez-vous sur vos deux pieds dès que l’occasion se présente et oubliez tous les transports motorisés dès que possible ! Vous retrouverez votre énergie et le bonheur de sentir votre corps en mouvement donc bien vivant !