Si les progrès extraordinaires de la chirurgie ou des thérapies géniques sont capables de redonner la vue à certains patients, pour la majorité, des accompagnements portant sur les comportements, l’alimentation ou la complémentation restent les meilleurs moyens de préserver la vision.

LA LUMIERE A ETE LA PRINCIPALE FORCE SELECTIVE SUR TERRE AU COURS DE L’EVOLUTION

Selon une récente étude de l’université américaine de northwestern[i], les premiers vertébrés ont pu sortir de l’eau et s’aventurer au loin non seulement parce qu’ils avaient 4 pattes mais parce que leur vision s’était incroyablement développée. La taille de leurs yeux s’était multipliée par 3 offrant une vue aérienne extraordinaire avec une augmentation de la portée de 150 et un volume scruté augmenté de 1 million!

La rétine est le lieu de réception de la lumière et de transformation de l’énergie des photons perçus en message nerveux pour la création d’une image visuelle. Il s’agit d’une fine membrane transparente qui tapisse le fond de l’œil. La macula est une zone orangée de la partie postérieure de la rétine. Seuls les oiseaux prédateurs, les primates non humains et les humains ont une macula[ii]. Au centre de la macula, une petite zone appelée fovéa offre l’acuité visuelle (perception des détails). La papille correspond à l’émergence du nerf optique et des vaisseaux nourriciers de la rétine.

oeil

Schéma extrait de l’article de Francine Behar-Cohen Anatomie de la rétine Médecine/sciences 2020 ; 36 : 594-9

La lumière a été la principale force sélective sur terre permettant le développement des rythmes biologiques réglés sur la lumière du soleil. Les premières perceptions de lumière grâce à l’apparition du premier pigment (l’opsine) datent du début de l’époque cambrienne, il y a 500 millions d’années.

A l’origine, l’opsine absorbait uniquement le bleu. En effet, en milieu aquatique, l’eau absorbe la plupart des radiations lumineuses à l’exception du bleu qui persiste en profondeur. Mais, en sortant de l’eau, les vertébrés se sont exposés à un spectre solaire plus complexe, ce qui a nécessité des adaptations. Selon la quantité et le type de lumière présent dans l’environnement Il y a donc eu évolution de l'opsine dans les différentes espèces aboutissant à la formation de plusieurs déclinaisons de ce pigment.

spectre solaire

https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_%C3%A9volutive_de_l%27%C5%93il

A PARTIR DE LA LUMIERE, LES PHOTORECEPTEURS ET LEURS PIGMENTS CREENT L’IMAGE

Les opsines sont synthétisées par les photorécepteurs de la rétine. Chaque photorécepteur de la rétine possède un seul pigment visuel qui absorbe certaines radiations du spectre. Il existe deux grands types de photorécepteurs.

  • les bâtonnets fonctionnent en faible éclairement. Ils contiennent un pigment ayant un maximum d'absorption à 496 nm. 

  • les cônes, actifs seulement en fort éclairement, sont de 3 types selon le pigment qu’ils contiennent et donc la longueur d’onde qu’ils absorbent. Ils sont à la base de la vision des couleurs : S ou Small (420nm) pour les longueurs d’onde courtes (bleu), M  ou Medium (530nm) pour les longueurs d’onde moyenne (vert) et L  ou Long (560nm) pour les longueurs d’onde longues (rouge). La fovea, zone de vision des détails, ne contient que des cônes.

absorbance lumiere

LA RETINE, UNE VISION COLOREE ET PRECISE QUI  A PRIS LE RISQUE D’UN COCKTAIL EXPLOSIF !

Le spectre solaire est composée, outre de la lumière visible, de tout un tas d’autres types de rayonnements plus ou moins énergétiques et donc plus ou moins agressifs pour les tissus humains qui sont en première ligne, à savoir la peau et l’œil. Ainsi, de nombreuses espèces, dont l’homme, ont perdu la vision ultraviolette limitant ainsi les dommages du tissu rétinien et de la fonction visuelle. Certaines espèces, cependant, telles que les oiseaux migrateurs, sont revenues à la vision des UV pour mieux s’orienter avec la lumière solaire.

ultraviolets

Les radiations ultraviolettes (UVA et UVB car les UVC sont arrêtées par la couche d’ozone) de courtes longueurs d’onde sont donc les agresseurs majeurs de la rétine. Très énergétiques, elles sont responsables d’un stress oxydatif des tissus de l’œil (cristallin et rétine en particulier). Au niveau de la rétine, ce stress oxydant est  aggravé par le fait que la rétine et les photorécepteurs ont une activité très intense pour transformer la lumière en signaux nerveux capables de produire une image. Or, cette activité nécessite l’utilisation d’oxygène. La rencontre de l’oxygène avec les radiations ultraviolettes entraîne la formation de ce que l’on appelle des radicaux libres qui vont détruire les composants de la cellule : les lipides des membranes, l’ADN du noyau cellulaire, les protéines actives de la cellule (enzymes, transporteurs...).

Autre radiation agressive, celle correspondant à la lumière bleue émise par les écrans numériques (téléphone, tablette, ordinateur). Elle est impliquée dans le développement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge ou DMLA qui se traduit par la mort des photorécepteurs rendant la maladie irréversible.

Enfin, tout récemment[iii], un facilitateur du stress oxydatif a été démontré au niveau de la rétine. Il s’agit du fer quand il est en excès et exclusivement quand il est en excès. Car son déficit est très préjudiciable pour le renouvellement cellulaire et la synthèse d’ADN. La rétine a, en effet, la fâcheuse tendance à accumuler le fer en excès favorisant le stress oxydatif et la destruction des cellules rétiniennes et des photorécepteurs. Il participe ainsi au développement de nombreuses maladies oculaires : cataracte, glaucome, rétinopathie diabétique, DMLA et décollement de rétine. Pour éviter l’accumulation de fer dans la rétine lors de supplémentation en fer pour combler une carence, il est nécessaire de l’apporter à petites doses filées. En effet, comme le révèlent des études récentes3, les fortes doses apportées par les formes médicamenteuses, les perfusions intraveineuses ou les transfusions ont montré une accumulation de fer dans la rétine.

Si les opsines ont permis de voir, d’autres pigments se sont avérés indispensables pour se protéger des dégâts oxydatifs causés par les radiations solaires. Des pigments jaunes orangés ou bruns (caroténoïdes, mélanines) absorbants les UV et se concentrant au niveau de la rétine ont donc été sélectionnés au cours de l’évolution pour la protéger de cette agression.

COMMENT PRESERVER SA VISION DANS LE MONDE MODERNE ?

La meilleure protection contre le stress oxydatif responsable des maladies oculaires est d’une part d’empêcher l’irradiation solaire d’atteindre la rétine et d’autre part de neutraliser les radicaux libres produits par cette irradiation et responsables des dégâts sur les tissus de l’œil. Nous allons voir les meilleurs comportements à adopter en fonction des éléments qui ont été donnés ci-dessus.

- METTRE DES LUNETTES DE SOLEIL: L’intensité de l’ensoleillement dépend de l’altitude de la latitude et de la saison. Elle augmente de 10% tous les 1000m d’élévation. Sous nos latitudes, c’est en été quand le soleil est le plus direct que l’intensité est la plus élevée. Enfin, la neige réfléchit 85% des radiations, le sable 20% et l’eau 10% (attention au temps nuageux !). Suite à une directive de 1995, les lunettes estampillées « CE » doivent protéger des UVA et des UVB. Quatre niveaux de protection existent.

  1. Classe  1 : pour un ensoleillement atténué. Le pourcentage de protection est de 20 à 57%. Pour les temps gris ou hivernal sans soleil. 
  2. Classe 2 : ensoleillement moyen sans réverbération. Protection de 57 à 82% pour une luminosité solaire peu forte.
  3. Classe 3 : pour un ensoleillement fort à la mer ou à la montagne. Protection de 82 à 92% dont 100% des UV.
  4. Classe 4 : pour une luminosité intense voire extrême et/ou une exposition prolongée au soleil. Protège de plus de 92% de l’irradiation solaire. Leur usage est interdit en voiture.

soleil plage lunettes

- LIMITER LE TEMPS PASSE DEVANT LES ECRANS. En cas de travail sur ordinateur, appliquer des filtres anti-lumière bleue ou porter des lunettes qui bloquent cette irradiation.

ecran lumiere artificielle

- APPORTER DES PIGMENTS ET DONC METTRE DE LA COULEUR DANS L’ASSIETTE pour optimiser ce que la nature a mis en place de plus efficace. 

aliments colores

La rétine et plus particulièrement la macula ont la capacité de concentrer les pigments capables d’absorber les longueurs d’onde des radiations ultraviolettes et de la lumière bleue ou de bloquer les radicaux libres, réduisant ainsi le risque oxydatif. Ainsi, la mélanine comme le béta-carotène, présents dans la rétine sont capables de neutraliser les radicaux libres induits par les UV. La lutéine et la zéaxanthine quant à eux, concentrés dans la macula, absorbent la lumière bleue. On retrouve ces derniers dans certains végétaux.

  1. La lutéine est présente dans les épinards: 100 g apportent 12 mg de lutéine ; le chou frisé: 40g apportent 12 mg de lutéine ; Les aliments de couleur jaune comme le maïs, les œufs sont de bonnes sources de lutéine dans notre alimentation. On trouve également de la lutéine dans la laitue, les brocolis, les poivrons, les oranges, les pêches, les mangues… etc.
  2. La zéaxanthine est présente dans le maïs doux, la pêche, les courges et les agrumes.
  3. Le béta-carotène se trouve dans les carottes, le potiron, la patate douce, les légumes à feuilles vertes, les abricots.

Il est important de préciser que les végétaux colorés apportent aussi d’autres familles de pigments appelés polyphénols. Ceux-ci ont montré des capacités de fixation du fer expliquant d’ailleurs que le fer végétal ne soit pas bien absorbé. Cette activité est doublée d’une puissante activité antioxydante en particulier chez ceux de couleur bleu/violet (fruit rouges).  Ainsi, de la carotte à la myrtille, plus vous mettrez de couleur dans votre assiette, mieux vous protègerez votre vision en association bien entendu avec le port de lunettes.

Nous vous souhaitons ainsi un excellent été bien protégé pour une belle vision de la vie !

LE SAVIEZ-VOUS ?

En Europe, le taux de myopie tourne autour de 40%. A l’hérédité qui reste le facteur principal, s’ajoutent les facteurs environnementaux de plus en plus prégnants. Le manque de lumière extérieure et la monotonie du champ de vision sont deux risques supplémentaires. Pour le premier, la lumière naturelle stimule la production de dopamine, neurotransmetteur qui joue un rôle clé dans le développement de la vision qui s’étire jusqu’à 20-22 ans. Le deuxième facteur est lié à la faible variation du champ visuel. Normalement l’œil est habitué à jongler entre une vision de loin et une vision de près. Mais à trop regarder de près, la majorité du temps, l’œil finit par perdre cette aptitude et il finit par s’allonger. C’est la myopie. Un sondage mené par le fabricant de verres, Essilor, a mis en évidence que depuis la marginalisation des tablettes et des smartphones, notre distance de lecture était passée de 42 cm (pour un livre) à 33 cm (pour un écran). Deux raisons pour inciter les enfants et les adolescents à délaisser leur environnement numérique pour se distraire à la lumière du jour, dans un environnement avec des objets en 3D[iv].



[i] Thomas Cavaillé-Fol (2017) Evolution : si les poissons sont sortis de l'eau, ce serait grâce à une meilleure vision Sciences et vie 13/04/2017

[ii] Francine Behar-Cohen. (2020) Anatomie de la rétine. Médecine/sciences 2020 ; 36 : 594-9

[iii] Yves Courtois et coll. (2020) la DMLA, la piste du fer. Medecine et Sciences 2020 ;36 :616-625

[iv] https://www.science-environnement.com/sante-environnement/causes-facteurs-de-risque-de-myopie/