Le chiffre est impressionnant : près de 10 millions de tonnes de café sont consommées chaque année dans le monde, ce qui fait environ 2,5 milliards de tasses chaque jour ! Cette consommation augmente chaque année, tirant vers le haut une production en pleine expansion. Avec ou sans sucre, avec ou sans lait, le petit noir est apprécié du plus grand nombre, mais aussi détesté par d’autres. La question de ses effets sur la santé divise également. En écoutant les partisans, on devient vite convaincu des avantages. En écoutant les détracteurs, le doute nous envahit… La forte consommation n’est pas une garantie d’innocuité : les précédents du tabac et du sucre nous le montrent. Le café serait-il, comme ces deux exemples, un séducteur qui nous conquiert par le plaisir et les effets immédiats avant de ronger insidieusement notre santé ? Ou les dangers mis en avant ne sont-ils qu’une vision étroite et malveillante de ceux qui ne savent pas l’apprécier ? Au-delà des points de vues, il y a des faits qui nous aident à nous faire notre propre idée.

PETITE HISTOIRE DU CAFÉ

Depuis sa découverte en Afrique, jusqu’à sa production mondialisée sur trois continents, le café a suivi un long chemin de séduction des populations, avec un incroyable succès. Le « vin d’Arabie », qui a longtemps été un produit local, est devenu la boisson chaude la plus consommée au monde. Les pays d’Amérique latine sont devenus les principaux producteurs, et les habitants des pays scandinaves les plus gros consommateurs.

DE L’AFRIQUE À L’AMÉRIQUE

Le caféier est originaire du nord-Est de l’Afrique (Yémen, Éthiopie). La découverte de ses vertus stimulantes et gustatives après torréfaction a naturellement développé une consommation locale dans les pays de la péninsule arabique. Son introduction en Europe au XVIIIe siècle a conduit à chercher des zones de cultures, en Asie du Sud, puis en Amérique, qui est devenue la première zone de production (Brésil, Colombie, Mexique…) Pendant ce temps, le cacao connu des peuples précolombiens a trouvé des conditions de culture favorables en Afrique, qui est devenue le principal producteur. Les deux graines qui nécessitent une torréfaction pour libérer leur arôme, et qui se retrouvent parfois associées, ont des destins croisés.

PRODUCTION AU SUD, CONSOMMATION AU NORD

Les exigences de culture du caféier nécessitent certaines conditions climatiques. La plante ne supportant pas le gel, elle ne s’adapte qu’aux régions tropicales. Ce sont donc les pays du Sud en Amérique, Asie et Afrique qui peuvent le cultiver. Ce sont en revanche les pays du Nord qui le consomment les plus. Les plus forts consommateurs sont les pays scandinaves. La quantité moyenne par Finlandais est supérieure à 12 kg par an, alors qu’elle est d’environ 5 kg pour un français.

DEUX VARIÉTÉS PRINCIPALES ET PLUSIEURS MODES DE PRÉPARATION

Il existe plusieurs espèces de café. Deux sont principalement cultivées. L’arabica, plus résistant, peut être produit en altitude. Son arôme est prononcé. Le robusta, plus fragile, est produit en Afrique et en Asie. Son arôme est moins subtil, et sa concentration en caféine et polyphénols plus importante que celle de l’arabica. De la graine torréfiée à la boisson, il existe diverses méthodes d’extraction de l’arôme. Décoction, infusion, percolation avec ou sans pression, conduisent à des préparations qui diffèrent au goût, et aussi par leur teneur en caféine.

QUE CONTIENT-IL ?

La caféine, responsable des effets stimulants, est le plus connu des constituants du café. Il contient aussi des polyphénols dont les propriétés antioxydantes expliquent les bénéfices santé à long terme.

LA CAFÉINE

Cette substance est également présente dans le thé et le guarana (plante d’origine amazonienne), avec une libération progressive qui conduit à un effet plus tardif, plus durable, et moins prononcé. Celle du café est rapidement assimilée. La concentration sanguine maximale est atteinte en moins de 30 minutes, et reste élevée pendant plusieurs heures. Diverses propriétés de la caféine sont actuellement documentées. Elles se manifestent à des doses variables selon les personnes. Dans certains cas, elles sont perceptibles dès 1 à 2 tasses de café arabica. – Stimulation du système nerveux. – Meilleure synchronisation des rythmes veille/sommeil, avec une meilleure récupération lors des voyages avec décalage horaire. – Accroissement du rythme cardiaque et de la contraction des vaisseaux sanguins, ce qui augmente les performances corporelles et aussi la tension artérielle. – Augmentation de la capacité respiratoire. – Effet digestif complexe, avec élévation des sécrétions acides de l'estomac et stimulation des contractions de l’intestin et de la vésicule biliaire. La digestion est accélérée, avec sensation de légèreté. Il y a aussi une diminution du risque de formation de calculs biliaires. – Effet antidouleur exploité en association dans divers médicaments.

LES POLYPHÉNOLS

Les polyphénols sont des antioxydants qui protègent des dégâts de l’inflammation chronique et du vieillissement, réduisant ainsi le risque des maladies dégénératives. On en trouve dans les fruits rouge violacé, le vin rouge, le thé vert, le chocolat, l’huile d’olive, et nombreux végétaux. Le café est l’une des sources les plus concentrées. On estime que l’effet antioxydant d'un café est équivalent à celui de trois oranges.

LES DEUX FACES DE L’EFFET STIMULANT

Le café est consommé pour son arôme ou pour son effet stimulant. Dans certains cas, il devient un carburant qui permet d’être plus attentif et plus performant. Cette aide à l’attention, l’effort à la performance est-elle un cadeau de la nature, ou un piège qui nous présente tôt ou tard la facture ?

L’EFFET STIMULANT DE LA CAFÉINE

Diverses explications biochimiques tentent de décrire l’effet stimulant de la caféine, avec des mécanismes qui au final se révèlent incomplets pour expliquer ce qui est observé. C’est une action complexe, dont nous ne pouvons à ce jour que décrypter certains mécanismes et constater les résultats. Il est clair que la caféine passe dans le cerveau et interfère avec la chimie cérébrale. Il en résulte une augmentation de certains médiateurs (adrénaline, dopamine) qui explique plutôt bien les effets agréables recherchés : davantage de vigilance, de capacité d’action, avec une certaine sensation de plaisir. En fait, c’est comme si nous avions les capacités de gérer un stress, sans avoir le stress !

LES CONSÉQUENCES À RETARDEMENT

Une stimulation déclenchée par le café en fin de journée peut perturber l’endormissement, et si cela se répète, installer progressivement une fatigue chronique. D’autre part, le fait de bénéficier, par un apport extérieur, d’un gain de potentiel, conduit fatalement à ressentir, lorsque la substance cesse d’agir, la perte de ce bénéfice. Cela peut se manifester par un coup de barre, et l’envie de reprendre du café.

UNE QUESTION DE DOSE

Les deux faces de la stimulation, qui pourraient se résumer à un cadeau suivi d’une dette, sont d’autant plus marquées que les prises sont importantes. On ne peut pas mettre dans la même catégorie le buveur gastronomique qui prend une à deux tasses par jour, et le gros consommateur qui en boit tout au long de la journée. L’effet subi en conséquence est proportionnel à la stimulation recherchée. Pour beaucoup de personnes, une dose modérée ne conduit pas à ressentir de stimulation particulière ou n’a pas ou très peu d’effet désagréable à retardement. Prendre un café est avant tout un plaisir.

DES EFFETS BÉNÉFIQUES DÉMONTRÉS

Les études qui montrent les effets bénéfiques du café sont nombreuses et peuvent donner en lecture approximative l’impression qu’il est un atout santé de premier plan. Les promoteurs du café, qu’ils soient intéressés économiquement ou simplement de grands amateurs, glissent facilement vers cet excès qui les arrange. Cet aspect bénéfique est bien réel, mais doit être relativisé. Les effets favorables annoncés sont souvent liés à des doses rarement consommées, et parfois contradictoires, dépendant de facteurs individuels. Une chose est cependant certaine, le café apporte des polyphénols qui contribuent, tout comme les autres sources d’antioxydant, à la protection de l’organisme.

L’EFFET PROTECTEUR DES POLYPHÉNOLS

Les polyphénols sont des acteurs majeurs de la défense antioxydante. L’organisme ne sait pas les produire lui-même. Ils doivent donc, comme les vitamines, être apportés par l’alimentation. Ils sont probablement les principaux responsables des effets bénéfiques observés chez les consommateurs réguliers de café. Les propriétés de la caféine peuvent être associées au bénéfice. Le rôle majeur des polyphénols est cependant révélé par l'observation d'effets similaires avec le café décaféiné.

LA DIVERSITÉ CUMULE LES AVANTAGES ET DILUE LES INCONVÉNIENTS

Il existe de multiples sources de polyphénols parmi lesquels le café, chocolat, le vin rouge, le thé vert… En ce domaine, la diversité sans excès est un véritable atout. Elle permet l’action complémentaire de substances différentes, tout en limitant la quantité de chaque aliment, évitant ainsi ses effets néfastes liés aux fortes doses. Il est plus avantageux de prendre un peu de vin rouge, un peu de café et un peu de chocolat, que de tout miser sur un seul d’entre eux.

QUELQUES EFFETS MONTRÉS PAR LES ÉTUDES

La consommation régulière de café est associée à une réduction de l'incidence de la maladie de Parkinson, de certains cancers (sein, colorectal) et de la goutte. Pour la prévention des accidents vasculaires et du diabète de type 2, les résultats sont contradictoires et diversement interprétés selon les sources. Une étude favorable a suivi pendant 13 ans 26 000 fumeurs. 3 350 ont fait un AVC. La relation avec la consommation de café a montré une réduction de 23 % des accidents chez les sujets qui buvaient au moins 8 tasses de café, et de 21 % chez ceux qui buvaient au moins 2 tasses de thé. Cela peut se comprendre par le fait que le stress oxydatif lié au tabac accroît les besoins en polyphénols. Le café limiterait ainsi en partie les effets nocifs du tabac, et cela sans besoin d’une consommation excessive ! Une méta-analyse qui a fait la synthèse de 36 études portant sur plus de 1 million de sujets a conclu que le café, même à forte dose, n’accroît pas le risque de maladie vasculaire. Une dose suffisante mais limitée (3 à 5 tasses par jour), semble avoir un effet protecteur [4]. Il est évident qu'en absence d'autre source importante de polyphénols, le café apporte un effet protecteur proportionnel à la quantité consommée. Dans une alimentation diversifiée, avec d’autres sources de polyphénols, 1 à 2 tasses par jour, pour ceux qui l'apprécient, permet d’allier le plaisir et une contribution à la protection antioxydante.

DES EFFETS NÉFASTES OBSERVÉS

Les effets néfastes sont immédiats par certaines personnes, particulièrement sensibles, qui arrêtent alors toute consommation. Les effets défavorables à long terme sont à mettre en balance avec les effets bénéfiques, ce qui conduit à divers points de vue contradictoires. Il y a enfin le problème de la dépendance, bien réelle dans certaines situations, dont il est généralement assez aisé de sortir.

EXCITATION

Chez certains sujets, le café même à petite dose, produit une excitation rapide et désagréable, avec notamment accélération du rythme cardiaque. Cette hypersensibilité, qui fait probablement intervenir un autre facteur que la caféine, conduit à une aversion du café et à son évitement.

EFFETS ASSOCIÉS À UNE CONSOMMATION IMPORTANTE

La consommation abondante de café peut avoir des conséquences néfastes chez les sujets dont le terrain est fragilisé vis-à-vis des organes ou des fonctions concernées. – Augmentation de la tension artérielle. – Aggravation possible d'un glaucome. – Fatigue chronique par diminution du sommeil réparateur. – Augmentation de l'anxiété. – Fuite de minéraux protecteurs (calcium, magnésium) accroissant l'acidification de l'organisme et le risque d'ostéoporose. – Fragilisation vis-à-vis des brûlures l'estomac et des reflux gastro-œsophagiens (RGO). – Accroissement possible des signes d'ulcère gastro-duodénal et de troubles fonctionnels intestinaux. – Diminution de l'assimilation du fer végétal si le café est pris en fin de repas.

DÉPENDANCE ET SEVRAGE

Il n'y a pas d’addiction toxicomaniaque comme cela peut se produire avec l’alcool ou cocaïne. Ni de forte dépendance psychique comme cela existe avec le tabac. Au-delà de 600 mg par jour de caféine par jour, il se crée un lien entre l'organisme et la substance qui perturbe le fonctionnement physiologique si le stimulant vient à manquer. Lors de l’arrêt, un syndrome de sevrage peut être très désagréable (les maux de tête, la fatigue, l'apathie, une tendance à l'anxiété), mais sa durée est courte, généralement quelques jours.

BOIRE OU NE PAS BOIRE DU CAFÉ ?

Boire ou ne pas boire du café est vraiment une affaire personnelle. Affaire de goût, de tolérance immédiate, de génétique favorable, et aussi de choix personnel entre des avis défavorables qui mettent facilement en garde, et l’importance donnée au plaisir de vivre, qui est aussi un facteur de santé.

AVANT TOUT UNE AFFAIRE DE GOÛT ET DE TOLÉRANCE INDIVIDUELLE

L'intérêt du café pour chacun est une question individuelle. Il y a d’abord le goût : pour celles et ceux qui n’aiment pas, la consommation n’a aucun sens ! Il y a ensuite la tolérance : quand il entraîne des effets désagréables, il devient naturel de l’éviter. Les recherches de Jean Costentin [5] ont montré que les amateurs de café transforment plus facilement que ceux qui le redoutent la caféine en paraxanthine. Celle-ci a des effets anxiolytiques, alors que la caféine non métabolisée serait plutôt anxiogène. Ces travaux non confirmés sont une hypothèse parmi d'autres pour expliquer la différence de tolérance individuelle, que chacun peut découvrir par sa propre expérience.

QUAND ON AIME, AUCUNE RAISON DE S’EN PRIVER !

– Il n'y a pas d'arguments non partisans montrant les effets néfastes d'une consommation modérée de café (1 à 2 tasses par jour). – Les effets préventifs sur les maladies dégénératives (comme Alzheimer et Parkinson) sont liés à une forte consommation avec un apport important d’antioxydants. Cet apport peut théoriquement être du même ordre avec une consommation plus modérée de café associée à d'autres sources (fruits rouges, vin, chocolat, thé vert, curcuma…) – Dans tous les cas, augmenter la qualité et diminuer la quantité est la démarche la plus bénéfique. – La prise en fin de repas, si elle convient bien à certaines circonstances, n'est sans doute pas la meilleure habitude à prendre, et devrait être contre-indiquée à toute personne sujette à la déficience en fer. – Ajouter du lait est une question de goût. Du point de vue de santé, ce ne sont que des inconvénients, le premier étant le caractère indigeste du mélange.

COMMENT CHOISIR SON CAFÉ ?

Arabica ou robusta, c’est une affaire de goût. Biologique ou équitable : c’est une question d’éthique. Moulu ou en grain, tout dépend du temps que nous prenons ou pas pour le moudre soi-même. Cafetière filtre, à piston, italienne, percolateur… une diversité qui change à la fois le goût et la composition, et nous invite à explorer les différences.

ARABICA OU ROBUSTA ?

Arabica ou robusta, c'est selon le goût de chacun, et sa tolérance à la caféine. La variété robusta a un goût plus fort et moins aromatique. Elle contient davantage de caféine et de polyphénols ! Parmi les cafés arabicas, de multiples provenances et des manières différentes de torréfier offrent une diversité gustative intéressante à découvrir.

BIOLOGIQUE ? ÉQUITABLE ?

La culture biologique évite en principe la présence de pesticides, ce qui est un réel avantage. Le commerce équitable part d'une intention louable, dont les effets se retournent parfois contre l'objectif. Le décalage entre un producteur de la filière équitable et ses voisins travaillant avec la filière traditionnelle peut déstabiliser l'harmonie d'un village et générer des conflits. Certains importateurs de café, qui ont compris cela, s'efforcent de collectiviser les avantages, mais ce n'est pas toujours le cas.

EN GRAIN OU MOULU ?

Le café moulu devient fragile. Il est alors sensible à l'oxydation qui dégrade ses vertus et à l'acidification qui altère son goût. La mouture juste avant l'usage est la solution idéale. En cas d'achat de café moulu sous vide, après l'ouverture, il convient de fermer au mieux le paquet (ou utiliser une boîte hermétique). Entre conservation au réfrigérateur et à température ambiante, les avis divergent. Pour la qualité de l’arôme, mieux vaut éviter le froid.

INFUSION, DÉCOCTION, PERCOLATION ?

Il existe diverses manières de préparer le café, selon les traditions. Le goût diffère, ainsi que la composition de la boisson obtenue. Le café filtre (cafetière classique) est le plus facile à faire, mais ce n'est ni le meilleur au goût, ni celui qui a qui a la composition finale la plus intéressante, notamment si on veut limiter l'apport en caféine.