C’est la question à laquelle ont tenté de répondre quatre acteurs du domaine lors d’une conférence du « Monde Festival » à l’automne dernier. Vous pouvez retrouver cette conférence ici. Nous allons reprendre plus en détail quelques éléments de cette conférence et nous appuyer également sur 2 grandes études françaises (ESTEBAN et NUTRINET-SANTE) qui étudient le lien entre nutrition et santé pour en retenir les éléments essentiels. Nous constatons, en effet, que l’alimentation qui était un acte simple réalisé avec des produits simples est devenue complexe avec des aliments complexes !

EVOLUTION ALIMENTAIRE ET ULTRATRANSFORMATION

Quand l’aliment d’origine n’est plus reconnaissable dans l’assiette !

  1. L’alimentation d’Homo sapiens a été longtemps faite de produit bruts et simples consommés crus ou cuits (viandes, poissons, baies, racines, tubercules).

  2. A partir de la période néolithique, qui a vu la naissance de l’élevage et de l’agriculture, les aliments ont été légèrement transformés dans un but essentiellement d’amélioration de la conservation: ajout de sel, d’épices, fumage, macération dans l’alcool, fermentation

  3. Avec l’ère industrielle et le développement exponentiel des technologies de la chimie et plus encore depuis les années 80 et le déploiement de l’industrie agroalimentaire, nous nous sommes mis, sans trop le savoir, à consommer des aliments de plus en plus transformés jusqu’à ne plus reconnaitre l’aliment d’origine !

Ces derniers appartiennent au groupe 4 de la classification NOVA, élaborée récemment par des chercheurs de l’université de Sao Paulo (cf. tableau). Cette nouvelle classification ne s’intéresse non pas aux teneurs en nutriments (protéines, lipides, glucides, vitamines, minéraux, sel et fibres) de nos aliments mais au degré de transformation des aliments.

Classification

Exemples

1

Aliments pas ou peu transformés

poulet rôti, pomme de terre cuite entière

2

Ingrédients culinaires 

sel, épices, poivre, sucre, miel, beurre, huiles

3

Aliments normalement transformés combinant les 2 premiers groupes

confit de canard, purée maison

4

Les aliments ultra-transformés

nuggets de poulet, chips

Les études révèlent, en effet, que la classe 4 de cette classification peut devenir majoritaire dans l’assiette de certains paysi. Ainsi, En Europe, Aux Etats-Unis, en Nouvelle Zélande, au Canada ou au Brésil, la consommation de ce groupe d’aliments constituent de 25 à 60% de l’apport énergétique total. Or, nous allons le voir, leur consommation en excès ont, selon des études françaises, un effet néfaste sur notre santé.

i https://theconversation.com/les-aliments-ultra-transformes-sont-aussi-associes-a-un-risque-accru-de-maladies-cardiovasculaires-119038

ingredientsQUE SONT LES ALIMENTS ULTRA-TRANSFORMES ET QUEL IMPACT SUR LA SANTE ?

On peut considérer, comme le propose Anthony Fardel(i) qu'une liste de plus de 5 ingrédients sur une étiquette caractérise un produit ultra-transformé.

On y trouve des huiles hydrogénées, du gluten, des protéines hydrolysées, de la maltodextrine, du sucre inverti, de la lécithine de soja, de l’amidon de riz, du sirop de glucose, du lactose, des colorants, des conservateurs et autre additifs parmi 350 recensés aujourd’hui en Europe.

i A. Fardet (2017) Halte aux aliments ultra-transformés ! Mangeons vrai Ed. Thierry Souccar

Tous ces ingrédients sont fabriqués par l’homme à partir de produits naturels (végétaux, animaux). Et, à partir d’une recombinaison de certains d’entre eux, on reconstitue un aliment qui n’a plus rien à voir avec l’aliment naturel. Ainsi, à partir du grain de blé, on obtient de la farine blanche, du son, du gluten, de l’amidon de blé parfois modifié, du sirop de glucose, du dextrose et avec certains d’entre eux, un peu de sucre et de matières grasses on fait un pain de mie complet qui peut même être bio ! Même si ces ingrédients sont issus du blé, une fois séparés, transformés et recombinés, ils n’ont plus du tout les mêmes effets nutritionnels.

Or, l’étude Nutrinet-Santéi vient de montrer un lien entre la consommation excessive de ces aliments ultra-transformés et l’augmentation des maladies chroniques. Ainsi, dans cette étude réalisée sur des groupes de dizaines de milliers de participants français, une augmentation de 10% de la consommation de produits ultra-transformés augmente

  • de 20% le risque de survenue des symptômes dépressifs. Les boissons et les produits gras sont spécifiquement concernés.

  • de 12% le risque de maladies cardiovasculaires (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral)

  • de 25% le risque de syndrome de l’intestin irritable.

  • de 10% le risque de cancer en général et de sein en particulier. Il en est de même pour la mortalité globale.

Devant ces résultats, les recommandations du P.N.N.Sii (Plan National Nutrition Santé) sont allées vers plus de modération. L’objectif, d’ici 2022, étant que les français consomment moins de 20% de ce type d’aliments. Selon Anthony Fardet, ingénieur agronome et docteur en nutrition humaine spécialiste de l’impact santé des transformations alimentaires et auteur du livre « Halte aux aliments ultra-transformés », 15% serait le seuil maximal souhaitable.

On savait depuis longtemps que la part environnementale dans l’incidence des maladies cardiovasculaires et des cancers était prépondérante par rapport à la part génétique mais, outre le fameux équilibre alimentaire, on sait maintenant que la qualité des aliments que nous ingérons est un contributeur majeur à l’augmentation des maladies chroniques en France.

i https://etude-nutrinet-sante.fr/link/zone/29-L'%C3%A9tude-en-bref

ii https//www:bougermanger.fr

LES BIENFAITS D’UNE ALIMENTATION NON TRANSFORMEE

Ces bienfaits sont doubles selon l’étude Nutrinet-Santé

  • Pour le consommateur : les gros consommateurs de produits BIO (>50% d’aliments bio) comparés aux petits consommateurs (<10%) ont des taux sanguins plus élevés en magnésium, α- et β-carotène, lutéine et zéaxanthine, certains acides gras protecteurs oméga-6, oméga-7 et oméga-3. Il n’y avait pas de différence, dans cette étude, pour le fer, le cuivre, les vitamines A et E ou le lycopène.

  • Pour l’environnement : Le régime des gros consommateurs de bio présentaient des émissions de gaz à effet de serre, une demande cumulée en énergie et une utilisation des terres moins élevées. L’exposition aux pesticides diminuait avec l’augmentation de la quantité d’aliments bio consommés.

Revenir vers une alimentation (les 3V proposés par A. Fardet) Végétale (diminuer la consommation de viande) Variée (fruits et légumes, fruits à coques, huiles végétales etc) et Vraie (non transformée, bio, local et de saison) serait bénéfique au regard des résultats de l’étude ESTEBAN. En effet, cette dernière révèle que, depuis 10 ans, il existe une augmentation des carences en fer, iode, vitamine D, vitamine B9 ou oméga-3 végétaux et marins. Les recommandations du PNNS restent certes mal suivies par la majorité de la population mais la part grandissante des produits ultra-transformés participent très fortement à cet appauvrissement nutritionnel.

Ainsi, si les recommandations du PNNS, qui nous orientent sur les quantités adéquates à consommer et les applications type open food facts (la plus fiable) peuvent nous aider à choisir parmi les produits ultratransformés non pas les meilleurs mais les moins pires, le retour à une alimentation simple et variée, cuisinée à la maison reste toujours le meilleur atout santé et environnemental!

ET SI L’ALIMENTATION ETAIT UN MOYEN DE BOUGER PLUS ET DE SE SENTIR BIEN DANS SA TETE ?

faire le marché

Quand vous choisissez de faire vos courses au marché, au producteur du coin, dans une coopérative de producteurs, vous vous mettez en mouvement, vous portez du poids, vous rencontrez des personnes, vous créez du lien, vous plaisantez et vous payez le juste prix pour vous et pour le producteur. Autant de choses positives pour votre corps et votre tête. Et vous participez à l’action locale et à la préservation de l’environnement comme le démontre l’étude Nutrinet-santé.

Quand vous faites la cuisine vous-même, que vous préparez vous-mêmes vos conserves, vos confitures, vos desserts etc., vous vous activez physiquement, vous faites travailler tous vos sens (papilles, senteurs, beauté du plat), vous partagez avec votre famille, vos amis, vous apprenez de nouvelles recettes, découvrez de nouveaux aliments, faites des essais, vous créez. Encore une fois, vous prenez soin de vous, de votre corps de votre tête et vous prenez le temps après lequel vous ne cessez de courir toute la journée.

cuisiner ensemble