LE POINT DE VUE MÉDICAL

La dépression est aujourd'hui clairement définie par le DSM*, la référence diagnostique en psychiatrie. Du fait de la perturbation des neuromédiateurs* qui la caractérise et de la possible correction de cette perturbation par des médicaments, elle est devenue une pathologie médicale. Son origine permet de distinguer plusieurs types de dépressions : endogènes, exogènes (réactionnelles) et liées à un contexte spécifique (contextuelles).
Les antidépresseurs apparus dans les années 1960 ont révolutionné le traitement des dépressions sévères, avant cela sans solution efficace. La généralisation de ces traitements aux syndromes dépressifs modérés a donné des résultats décevants. Aujourd'hui, la recommandation est clairement de ne plus les utiliser dans ce contexte, ce qui n'est pas toujours respecté.

DÉFINITION DE LA DÉPRESSION SELON LE DSM

Les états de tristesse, de manque d'entrain ou de déprime passagère ne sont pas systématiquement liés à une dépression. Les hauts et les bas font partie de toute existence. Certaines personnalités sont propices à vivre des humeurs fluctuantes, avec des états perçus par l'entourage comme dépressifs.
La dépression majeure ou caractérisée a une définition précise. Si elle peut se résumer à un manque d'enthousiasme et de désir qui dure dans le temps, la situation doit aussi répondre à un certain nombre de critères [2]. En dehors de ce diagnostic, évitons de parler de dépression, pour ne pas alimenter la confusion. Une déprime passagère n'a pas le même impact et ne nécessite pas les mêmes solutions.
Cette définition qui permet le diagnostic ne dit rien de l'intensité d'une dépression qui peut être légère, modérée ou sévère. L'intensité s'évalue par des questionnaires, dont celui de Hamilton [3]. La définition ne dit rien non plus de la cause principale, qui différencie plusieurs formes.

DIVERSES FORMES DE DÉPRESSION

Trois formes de dépression se distinguent par leur origine :
• Les dépressions réactionnelles font suite à un stress prolongé ou à un choc. La personne n'a plus la capacité de vivre de manière satisfaisante dans son environnement. Elle se met alors psychiquement en mode énergétique réduit, de manière automatique, probablement pour se protéger. Cette forme est la plus courante.
• Les dépressions endogènes surviennent alors qu'aucun facteur déterminant n'a impacté la personne. C'est un mécanisme biologique qui met le cerveau en mode ralenti. Il peut s'agir d'une maladie mentale, de l'effet d'une autre maladie ou de la conséquence de facteurs inconnus. Ce sont généralement des dépressions profondes, sévères et durables.
• Les dépressions contextuelles sont liées à des facteurs spécifiques qui font basculer dans un mode dépressif. On connaît notamment les dépressions saisonnières liées à la baisse de luminosité en automne, les dépressions périnatales qui peuvent survenir pendant la grossesse ou après l'accouchement.

TRAITEMENTS ANTIDÉPRESSEURS

De nombreux traitements médicamenteux sont disponibles. Leur efficacité est validée sur les dépressions sévères, avec un effet bénéfique bien réel, accompagné parfois d'effets secondaires plus ou moins marqués. L'observation attentive des études d'évaluation montre que ces médicaments n'ont pas d'effet significatif sur les dépressions légères et modérées, alors qu'ils sont encore largement prescrits dans ce contexte.

PSYCHOLOGIE ET SANTÉ NATURELLE

L'approche médicale s'intéresse au processus biologique de la dépression qui se manifeste par une perturbation des neuromédiateurs, mais pas à ses causes, ni à ses facteurs favorisants. Les dépressions réactionnelles ont une origine psychique et trouvent des solutions dans la psychothérapie. Des facteurs favorisants alimentaires et environnementaux sont aujourd'hui bien connus et font l'objet de traitements complémentaires. Il existe enfin des produits de santé naturels qui offrent une alternative intéressante aux médicaments dans les formes modérées, du fait de leur absence de toxicité.

PSYCHOLOGIE

Les dépressions réactionnelles font suite à un stress prolongé ou à un choc. Elles sont une réponse organique à une cause psychique : réduire au minimum l'énergie disponible pour maintenir la survie et se protéger d'une situation qui n'était plus supportable. D'une manière imagée : trop de pression se résout par une dépression. Ce sauvetage est une solution d'urgence, non satisfaisante et non durable. Elle donne un répit pour trouver une solution durable qui passe généralement par un choix, difficile à effectuer sans une amélioration préalable de l'humeur. La voie de guérison est un processus progressif, avantageusement aidé par un accompagnement psychologique.
Les psychothérapies les mieux adaptées à la dépression sont des thérapies brèves. Il ne s'agit pas de tout analyser, mais de construire un chemin qui restaure l'énergie psychique pour trouver une porte de sortie. Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC)* proposent des protocoles évalués. Il est cependant difficile, pour les personnes en dépression, de trouver la motivation pour suivre ces programmes [4].
Le traitement d'une dépression réactionnelle uniquement par la voie médicamenteuse est souvent décevant. En l'absence de changement qui ouvre vers une solution durable (qui est la raison d'être de ce type de dépression !), il n'y a pas de vraie guérison. La situation reste précaire, et il est difficile d'arrêter le traitement sans provoquer une aggravation de cette situation.
Les dépressions endogènes ou liées à un contexte spécifique n'ont pas cette forte causalité psychique. La psychothérapie n'est donc pas le traitement de première intention. Elle est en revanche un soutien et une aide complémentaire.

NUTRITION ET ÉCOLOGIE PERSONNELLE

La dépression est également fortement liée à l'écologie personnelle*. Le rôle de la nutrition, longtemps négligé, est désormais reconnu. Un apport de protéines en première partie de journée (matin et midi) est bénéfique pour une meilleure production de neuromédiateurs. Une alimentation riche en micronutriments (fruits, légumes graines complètes, fruits à coque) apporte du magnésium, du zinc, et de la vitamine B9, dont les déficiences favorisent ou aggravent la dépression. Un apport de matière grasse qui privilégie les sources d'oméga 3 (huile de colza ou lin, noix, poissons gras) a aussi montré un effet bénéfique.
Il a été établi récemment un lien fréquent entre dépression et inflammation chronique [5]. Les facteurs alimentaires qui réduisent l'inflammation et ses conséquences sur le stress oxydatif seront donc favorables. Il s'agit d'une augmentation de l'apport d'oméga 3 et d'antioxydants, obtenu avec les orientations alimentaires décrites précédemment.
Trois autres facteurs d'écologie personnelle ont une influence avérée sur un syndrome dépressif : l'activité physique, l'amélioration du sommeil et l'exposition à la lumière. L'exercice physique est d'autant plus favorable qu'il est pratiqué avec plaisir (ce qui est difficile dans ce contexte) et en plein air. Tout ce qui peut améliorer la qualité réparatrice du sommeil est précieux. L'exposition lumineuse la plus favorable se fait en début de journée et à l'extérieur. Pour chacune de ces pistes, si l'idéal n'est pas possible, même une légère amélioration vaut toujours mieux que rien !

PRODUITS DE SANTÉ NATURELS

De nombreux produits de santé naturels sont proposés pour améliorer les états dépressifs. Les plus courants appartiennent à quatre familles :
• Des compléments alimentaires qui apportent les nutriments dont le déficit aggrave la dépression : magnésium, zinc, vitamine B6, B9 et B12, acides gras oméga 3.
• Des extraits végétaux ayant montré des effets bénéfiques sur l'humeur : millepertuis, griffonia, safran. Les extraits de millepertuis disposent de la meilleure évaluation, mais ils ne sont utilisables qu'en prenant garde aux contre-indications.
• Des anti-inflammatoires naturels, notamment le curcuma.
• Des élixirs floraux (fleurs de Bach), choisis idéalement par un professionnel selon la situation spécifique de la personne. À défaut de ce conseil, il existe des préparations standards conçues pour les états dépressifs.

SYNTHÈSE INTÉGRATIVE : PRAGMATISME ET SOLUTION DURABLE

Dans une approche intégrative de santé, toutes les solutions connues sont envisagées selon leur rapport bénéfice/risque et la mieux appropriée à la situation est proposée en première intention. Dans la démarche médicale actuelle, trop souvent, le médicament est le premier traitement et c'est après un constat d'échec que d'autres solutions seront envisagées, à un stade d'évolution du problème où elles seront moins efficaces. D'autre part, lorsqu'un antidépresseur est prescrit, l'association d'une adaptation nutritionnelle, voire de compléments alimentaires et l'activation de facteurs favorables dans l'écologie personnelle pourraient être systématiques pour accroître l'efficacité du traitement.

ADAPTATION DU TRAITEMENT AU TYPE DE DÉPRESSION

Avant de commencer un traitement, quel qu'il soit, il serait bénéfique de préciser trois points :
1. S'agit-il d'une vraie dépression selon les critères du DSM ?
2. Quelle est son intensité (échelle de Hamilton par exemple) ?
3. Quelle est son origine probable : endogène, réactionnelle ou contextuelle ?
Les médicaments antidépresseurs ne sont justifiés que dans les dépressions endogènes et les formes sévères de toute origine. La psychothérapie devrait être privilégiée dans les dépressions réactionnelles. L'optimisation de l'écosystème personnel est bénéfique dans tous les cas. Les produits de santé naturels apportent un complément utile dans les formes légères et modérées. Enfin, la mise en activité de la personne, soutenue par son entourage, apporte un bénéfice majeur. Le piège est d'attendre le retour de l'enthousiasme pour entreprendre quelque chose, alors que la mise en mouvement est l'un des meilleurs facteurs pour favoriser le retour de l'enthousiasme.

PRÉCAUTION SUR LA DURÉE DES TRAITEMENTS ANTIDÉPRESSEURS

Le traitement médical est la seule solution efficace dans les formes les plus sévères et il doit parfois être pris à long terme. Ce n'est cependant pas la situation la plus fréquente. Souvent, le traitement est pris par facilité ou par habitude de prescription, alors que la dépression est modérée. Quand le médicament ne résout pas ou ne résout que partiellement le problème, il est souvent poursuivi, malgré tout. Et quand après plusieurs mois ou plusieurs années il est arrêté, il se produit une aggravation de l'état ressenti [6], ce qui conduit à le prolonger...
Il conviendrait donc, dans une démarche de santé durable, de toujours prévoir une fin à une prescription d'antidépresseur et de les arrêter pour chercher une autre solution, dès que possible, si aucun effet satisfaisant n'est obtenu en quelque mois.

TRAITEMENTS COMPLÉMENTAIRES

Les changements nutritionnels bénéfiques, la pratique régulière d'une activité physique, l'amélioration des conditions de sommeil, l'augmentation de l'exposition à la lumière, surtout le matin, devraient être systématiquement présentés comme des facteurs importants d'amélioration, avec la proposition d'un programme spécifique qui convient à la personne et qu'elle accepte de mettre en œuvre.
Les compléments nutritionnels (magnésium, zinc, vitamine B9 et B12...) sont utiles dans tous les cas, y compris associés aux traitements antidépresseurs dont ils améliorent l'efficacité. Les plantes qui agissent sur l'humeur (millepertuis, griffonia, safran) peuvent être proposées lorsqu'aucun médicament n'a été prescrit. Sauf cas particuliers, elles ne sont pas associées aux antidépresseurs pharmaceutiques avec lesquels elles peuvent interférer.
Les produits à visée anti-inflammatoire, comme le curcuma, du fait d'une cible différente, peuvent s'associer au programme pour enrichir la globalité de l'action.

GRIFFONIA, UNE SOLUTION D'AVENIR ?

Parmi les produits de santé naturels, les extraits de Griffonia simplicifolia disposent déjà d'un certain recul. Les premiers essais sont encourageants et c'est le manque d'évaluation, et non des évaluations négatives, qui limitent actuellement son utilisation. Son mécanisme d'action bien connu, ainsi que l'absence d'interactions médicamenteuses et d'effets secondaires notables, rendent son usage plus facile que celui du millepertuis.

MILLEPERTUIS, EFFICACE MAIS PAS INOFFENSIF

Le millepertuis possède un niveau élevé d'évaluation montrant son efficacité sur les dépressions légères et modérées. Il doit être utilisé avec prudence du fait de deux contre-indications : antécédents de crise psychotique (il y a un risque accru de réactivation) et forte exposition au soleil (risque de photosensibilisation). Il doit être également évité s'il y a une prise médicamenteuse en cours. L'un des composants de cette plante active la détoxication par le foie et diminue ainsi l'activité de nombreux médicaments, qui ne peuvent plus exercer correctement leurs effets habituels.

5HTP, PRINCIPE ACTIF BIEN IDENTIFIÉ DE GRIFFONIA

Griffonia simplicifolia est une plante sauvage d'Afrique de l'Ouest dont les feuilles sont utilisées traditionnellement pour une action purgative. La découverte dans sa graine d'une quantité notable de 5-hydroxy-tryptophane (5HTP) a conduit à expérimenter des extraits dans les situations associées à un manque de sérotonine : dépression, insomnie, migraine, compulsions alimentaires. Le 5HTP est un précurseur qui permet à l'organisme de synthétiser facilement de la sérotonine, en présence de vitamine B6. On peut donc s'attendre à une action allant dans le même sens que les médicaments de la famille du Prozac®, qui prolongent artificiellement la durée d'action de la sérotonine. Il y a cependant une différence notable entre les deux démarches : avec un apport de griffonia, l'organisme conserve toute sa capacité d'autorégulation. En effet, là où le médicament impose un accroissement de l'activité du neuromédiateur, le 5HTP aide à le produire plus facilement en cas de besoin.

DES ÉVALUATIONS PROMETTEUSES

Les essais dont les résultats sont actuellement disponibles restent insuffisants du fait d'un nombre de participants réduits et parfois de l'absence de groupe témoin pour évaluer l'effet placebo. Néanmoins, les quelques études interprétables montrent un effet favorable en cas de dépression, pour un apport de 50 à 100 mg de 5 HTP par jour [7]. L'insuffisance de preuve est seulement un manque d'expérimentation, pas le fait d'études invalidant les effets bénéfiques. Les quelques effets secondaires constatés (notamment digestifs) sont transitoires et sans danger.
Les extraits de Griffonia standardisés, c'est-à-dire contenant une quantité connue de 5HTP, avec une posologie en apportant au moins 150 mg par jour, associés à la vitamine B6 qui favorise sa transformation en sérotonine, sont une solution naturelle prometteuse pour améliorer les situations de dépression mineure ou modérée et pour favoriser le sommeil.
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LEXIQUE
DSM (DIAGNOSTIC AND STATISTICAL MANUAL OF MENTAL DISORDERS)
ouvrage de référence publié par l'association américaine de psychiatrie (American Psychiatric Association ou APA) décrivant et classifiant les troubles psychologiques et mentaux.
NEUROMÉDIATEURS
substances qui jouent un rôle majeur dans les processus cérébraux. Les principaux sont la sérotonine, la noradrénaline, la dopamine, le GABA
ÉCOLOGIE PERSONNELLE
mode de vie mis en œuvre par chacun concernant les pratiques et les soins préventifs pour le corps, ainsi que les expositions et échanges choisis avec l'environnement.
TCC (THÉRAPIES COGNITIVES ET COMPORTEMENTALES)
courant de la psychothérapie qui traite certaines difficultés par l'apprentissage d'un nouveau mode de pensée et de comportements favorables à l'objectif recherché. Les programmes proposés sont évalués avec la rigueur de la recherche universitaire.