Nous sommes amenés à vivre une nouvelle expérience, celle du confinement, du repli pour se protéger d’un danger potentiel, la contamination par un virus, le coronavirus. Nous observons, à travers les images, témoignages, conseils véhiculés par les différents supports médiatiques, des comportements très différents des individus face à ce danger, réel pour ceux qui en sont atteints, potentiels pour les autres. Les différences de comportement pour les personnes non atteintes sont liés à des variations de perception de ce danger en raison de nos expériences passées, de ce que nous portons en nous de notre histoire familiale mais aussi de notre situation de vie sociale (familiale, amicale, professionnelle) et enfin de notre état de santé.

Quel est le bon comportement ? Et d’ailleurs en existe-t-il un ? Quel est l’équilibre à trouver entre sa protection individuelle et celle de la collectivité ? L’homme est un animal social dont la survie est améliorée par le collectif. Le confinement nous isole. Comment créer du collectif dans l’isolement ?

Pour mieux comprendre nos comportements face au danger, il est important de rappeler ce qui se cache derrière cette émotion de peur et ce qui la différencie de l’anxiété et du stress.

LE STRESS est une fonction adaptative de tout être vivant.

Il est le résultat de notre interaction avec notre environnement physique, biologique, social. Il indique qu’une modification de cet environnement a eu lieu et qu’il faut s’y adapter. Un virus est un stress biologique qui vient de l’extérieur et va nous demander de puiser dans nos ressources physiques en l’occurrence immunitaires pour s’en défendre puis guérir et retrouver ensuite l’équilibre antérieur.

LA PEUR est l’émotion sous-jacente qui nous alerte d’un danger réel (un chien qui nous agresse).

Les adaptations sont neuro-hormonales. Elles font appel en particulier à l’adrénaline, la noradrénaline et le cortisol et ont pour objectif de mobiliser de l’énergie pour faire face à la «menace». Les sensations perçues peuvent être cardiaques (accélération du rythme cardiaque, hypertension pour amener plus de sang aux organes), respiratoires (respiration plus rapide pour apporter plus d’oxygène aux tissus), cutanées (sudation pour réguler la température et la tension), digestives (diarrhées, spasmes pour vider l’intestin), oculaires (dilatation des pupilles pour mieux voir le danger), immunitaires (stimulation pour mieux se défendre). En situation de stress, les fonctions non vitales sont mises au repos (système digestif, fertilité, reproduction). ). Dans le cas d’un virus, l’agresseur est bien réel mais il ne se voit pas. Il va donc faire l’objet d’un imaginaire aussi varié qu’il y a d’individus. Plus que de la peur, nous allons ressentir de l’anxiété.

L’ANXIÉTE permet de nous préparer à un danger qui nous menace.

Elle doit donc se distinguer, dans sa fonction, de la peur. En effet, si la peur se déclenche en présence d’un danger réel, l’anxiété est une anticipation d’un danger potentiel (la peur d’être contaminée par le virus). La fonction primaire de la peur serait de faire face aux menaces et la fonction primaire de l’anxiété de se préparer à faire face aux menaces. Les symptômes ressentis sont identiques à ceux décrits pour la peur avec une intensité moindre car c’est le même système qui répond. Ce dernier est appelé système sympathique : drôle de nom n’est-ce pas ? Mais ce nom est juste car il est là pour nous protéger (système orthosympathique) en premier lieu puis nous ramener au bien-être une fois le danger passé (système parasympathique comme parachute).

Il est donc normal de ressentir des symptômes de stress qui s’exercent tous les jours sur notre organisme et notre cerveau sans que nous en ayons d’ailleurs toujours conscience. Nos différents sens nous informent en effet en permanence de notre environnement et comme cet environnement et ceux qui l’habitent changent régulièrement, nous devons nous adapter à chaque instant.

Parfois, dans certaines situations, le stress perçu dure dans le temps. La nécessité de mobiliser sans cesse de l’énergie pour y faire face peut conduire à de la fatigue, des symptômes divers et finalement aboutir à l’épuisement ou à la maladie. Rappelons ici que, contrairement au stress aigu, le stress chronique va diminuer nos défenses immunitaires. Dans la situation particulière d’aujourd’hui où le danger est invisible, mal connu, mouvant car lié à son évolution rapide et à celle des connaissances sur son comportement, tous les moteurs sont là pour  augmenter le niveau d’anxiété et les symptômes de stress. Ces derniers sont, en outre, aggravés par les messages véhiculés par les interprétations de chacun (amis, familles, réseaux sociaux…) passées par le filtre de leurs propres perceptions personnelles fonction de leur vécu. C’est pourquoi l’avis des spécialistes est si important car leurs connaissances du sujet limitent le champ des fausses interprétations même s’il faut accepter qu’elles puissent évoluer avec le temps des connaissances acquises.

Nous comprenons avec ce rappel, l’importance d’apprendre à mieux gérer son stress pour mieux se défendre contre le coronavirus. Alors comment apaiser son anxiété pour mieux s’adapter?

- Par l’apprentissage : « Le savoir mérite d’être partagé » insiste Boris Cyrulnik. Savoir aide à la prise de recul, à une meilleure compréhension du danger et donc à une meilleure analyse et à des comportements adaptés pour soi et envers les autres.

  • Apprendre à connaitre le fonctionnement humain : L’objet de cette lettre est bien d’expliquer la motivation de nos comportements dans le but de mieux les comprendre pour mieux s’adapter.
  • Apprendre à connaître le danger : L’écoute des spécialistes infectiologues, virologues et épidémiologistes nous apportent l’information scientifique la plus récente sur un sujet neuf. Les médecins d’urgence et généralistes relaient les conduites à tenir. Ce sont les seules personnes ayant la compétence pour ce faire.

- Par le simple suivi des recommandations officielles dans un esprit collectif et solidaire. « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin » dit un proverbe africain.  Elles sont simples et donc facile à suivre par tous. L’anxiété est diminuée par l’action. Celle-ci doit être cohérente, organisée et pertinente. L’action dans la dispersion et l’agitation est un comportement de peur non adapté qui augmente, au contraire, l’anxiété de soi et des autres.

- Par un suivi personnalisé en cas d’anxiété non canalisée, de sentiment de panique, de peurs non raisonnées. Il est nécessaire alors de faire appel à des spécialistes du stress et des émotions pour choisir les méthodes de gestion les plus appropriées à votre cas. Thérapie cognitive et comportementale, méditation, yoga etc. Parfois un simple soutien pour sortir de son isolement peut être suffisant.

En conclusion, pour apaiser son niveau d’anxiété et ne pas ainsi compromettre nos défenses immunitaires ; ne pas transmettre son anxiété, ni diffuser le virus, il est nécessaire d’agir à la fois sur le vécu du stress et sur la perception que l’on a du danger (vulnérabilité intérieure) et d’acquérir également des connaissances concernant ce danger potentiel (ici un virus). Alors bien armé, il sera possible d’être dans des actions positives et bénéfiques grâce à un comportement adapté, efficace dans l’apaisement. Le but est d’être dans la meilleure adaptation possible et donc la meilleure protection possible pour soi et pour les autres.

Pour ceux qui voudraient aller plus loin et s’interrogent sur l’après, nous vous invitons à écouter également d’autres spécialistes à qui l’on ne laisse malheureusement pas souvent la parole. Serge Morand, écologue et biologiste de l’évolution analyse ainsi le rôle de la biodiversité pour la santé et le bien-être des humains, de leurs animaux et de la faune sauvage. Il apporte dans le dernier numéro de l’hebdo le 1 des explications extrêmement éclairantes sur les acteurs de l’augmentation des maladies infectieuses depuis les années 20.  En particulier, le rôle des changements planétaires globaux (réchauffement climatique, transports internationaux, utilisation des terres, réduction des habitats de la faune sauvage, élevages intensifs concentrationnaires, perte de biodiversité…) sur la facilitation de la transmission des microorganismes des espèces sauvages aux espèces domestiques et à l’homme. Réfléchir sur les causes d’émergence des maladies infectieuses et pas seulement sur les conséquences (vaccins, prévention) est aujourd’hui une nécessité majeure.