Il y a une cinquantaine d'années, les infarctus du myocarde et les accidents vasculaires cérébraux étaient la principale cause de mortalité dans les pays occidentaux. La célèbre étude américaine de Framingham avait montré que la maladie vasculaire, qui fait le lit de ces accidents, est liée à certains facteurs : notamment le tabac, l'hypercholestérolémie et l'hypertension.

Les industries agroalimentaire et pharmaceutique se sont alors lancées dans des programmes ambitieux, en réponse à ces constatations. Il en a résulté, du côté agroalimentaire, une « lipidophobie » conduisant à éviter les matières grasses pour privilégier une alimentation glucidique : céréales, pommes de terre, produits sucrés. Du côté pharmaceutique, des traitements ont été mis au point pour abaisser le cholestérol sanguin et la tension artérielle. Les autorités sanitaires ont soutenu ces démarches et mis en place des campagnes d'information, puis des lois, pour limiter la consommation du tabac.

La mortalité par accidents vasculaires a diminué, principalement du fait de la réduction du nombre de fumeurs et de la spectaculaire avancée des soins en cardiologie. L'impact des traitements médicaux préventifs semble faible. En même temps : le surpoids, le diabète et diverses maladies dégénératives ont subi une inquiétante augmentation. Il semble clair aujourd'hui que l'agriculture intensive et l'industrie agroalimentaire qui ont fait la part belle aux céréales raffinées, au sucre et aux produits de basse qualité nutritionnelle, portent une lourde responsabilité dans cette évolution.
Il est désormais urgent de corriger l'erreur passée sur la prévention cardio-vasculaire et de prendre en compte l'ensemble des maladies de civilisation*.

CHOLESTÉROL, LA GRANDE ERREUR

La fréquence de l'élévation de la cholestérolémie lors de maladies vasculaires a été clairement montrée par les études d'observation*. Cette association a été interprétée un peu trop vite comme un lien de causalité, conduisant aux traitements préventifs par des médicaments destinés à faire baisser le cholestérol sanguin. Les études d'intervention* n'ont cependant pas validé ce lien, alors que ces médicaments, les statines, étaient déjà en tête des ventes mondiales ! Fraudes et mauvaise foi ont permis de maintenir cette croyance et les prescriptions se sont poursuivies. Aujourd'hui, alors que les experts indépendants affirment sans équivoque que cette piste est erronée, la défense des intérêts idéologiques et commerciaux, ainsi que la force des habitudes, freinent encore l'avènement d'un vrai changement.

ÉTUDE D'OBSERVATION ET LIEN D'ASSOCIATION

Les études d'observation comparent les individus et font des liens d'association entre les maladies et certains facteurs. Cela ne veut pas dire pour autant que les éléments associés sont tous responsables. Un facteur de risque supposé et la maladie peuvent être deux conséquences d'un même contexte, qui favorise les deux. L'étude de Framingham et d'autres qui ont suivi ont seulement montré que l'hypercholestérolémie et les maladies vasculaires sont régulièrement associées.

ÉTUDE D'INTERVENTION ET LIEN DE CAUSALITÉ

Une étude d'intervention sépare une population homogène en deux groupes. L'un reçoit un traitement et l'autre un placebo. L'efficacité du traitement démontre le lien de causalité entre le facteur de risque traité et cette maladie.
Les études effectuées sur les statines ont montré une baisse du cholestérol évidente et une absence d'effet préventif chez les sujets hypercholestérolémiques avec risque vasculaire général faible. Un effet bénéfique a été observé chez les sujets à risque vasculaire élevé (ayant déjà fait un accident), mais indépendamment de la valeur du cholestérol sanguin !
La conclusion est donc claire : les statines font baisser le cholestérol. Elles protègent seulement les sujets à fort risque vasculaire et cette protection n'est pas liée à la baisse de la cholestérolémie. Leur prescription sur la base de ce dosage n'est donc plus justifiée.

CHOLESTÉROL, UN VOYANT ET NON UN FACTEUR DE RISQUE

Une cholestérolémie élevée est associée à la maladie vasculaire sans en être directement responsable. Ce marqueur est donc sensible à certains facteurs du mode de vie qui favorisent aussi cette pathologie. Il est donc utile, intéressant à suivre pour évaluer l'état du risque et l'impact des changements adoptés, en intégrant un facteur génétique qui détermine un niveau de base différent pour chacun. Faire baisser artificiellement le cholestérol par un médicament est comme éteindre le voyant d'un moteur sans chercher la panne ! L'utilité d'un voyant est de déceler le problème, trouver son origine, le rectifier et vérifier le retour à la normale par son extinction spontanée.

HYPERTENSION, LE MÉDICAMENT N'EST PAS LA SEULE SOLUTION

Contrairement à l'hypercholestérolémie, l'hypertension a été confirmée comme un véritable facteur de risque vasculaire. Baisser la tension artérielle quand elle est trop élevée constitue donc une véritable prévention. De nombreux médicaments ont été mis au point. Leur efficacité limitée oblige régulièrement à en associer plusieurs, avec un risque d'effets secondaires. Le privilège accordé à la voie médicamenteuse a occulté les autres pistes, alors qu'il existe des voies plus naturelles et plus durables.

ANTIHYPERTENSEURS : SUCCÈS EN DEMI-TEINTE

Plusieurs familles de médicaments sont aujourd'hui capables de faire baisser la tension artérielle, par divers mécanismes. Dans tous les cas, c'est une action autoritaire sur certains processus biologiques qui favorisent l'effet recherché, avec d'autres conséquences qui peuvent se manifester par des effets secondaires. Le succès est partiel pour deux raisons. D'une part, l'effet est parfois insuffisant pour ramener la tension aux valeurs souhaitées et il faut alors associer plusieurs produits. D'autre part, le traitement ne résout pas le problème de fond responsable de l'hypertension et doit être pris à vie.
Certaines formes graves d'hypertension nécessitent un traitement médicamenteux. Dans la plupart des cas, l'élévation de la tension artérielle est la conséquence d'une alimentation inadaptée, d'un manque d'exercice physique, d'un surpoids et/ou d'un état de tension interne (stress). Elle pourrait alors se résoudre sans médicament.

L'ALIMENTATION, FACTEUR MAJEUR DE L'HYPERTENSION

La consommation élevée de sel ou, plus précisément, le ratio sodium/potassium est un facteur aujourd'hui reconnu dans l'installation d'une hypertension. Ce risque peut être atténué en réduisant les produits riches en sodium (pain, charcuteries, fromages, produits transformés par l'industrie) et en augmentant ceux qui sont riches en potassium (fruits, légumes, graines complètes). D'autres facteurs alimentaires sont également en jeu. Le régime DASH (Dietary Approaches to Stop Hypertension) a été conçu dans une démarche universitaire pour faire baisser la tension et perdre du poids.

AUTRES FACTEURS LIÉS AU MODE DE VIE

L'activité physique et l'état de détente intérieure sont des facteurs majeurs de santé qui influencent la tension artérielle. Ils sont souvent négligés. Sédentarité et stress devraient être pris prioritairement en compte. Cela demande parfois un travail de fond, une éducation à la santé et au bien-être, que la médecine ne prend pas le temps de faire et que la naturopathie ou la psychothérapie peuvent accompagner.

INFLAMMATION, OXYDATION ET DÉSORDRE MÉTABOLIQUE, DES FACTEURS DE RISQUE MAJEURS !

L'inflammation chronique de bas grade ne manifeste aucun signe perceptible. Elle est uniquement détectable par un examen sanguin : la CRP ultrasensible. Le stress oxydatif* auquel elle conduit est un facteur essentiel dans le développement des maladies dégénératives lors du vieillissement, dont l'athérosclérose, la lésion initiale de la maladie vasculaire.
D'autre part, le dysfonctionnement d'un cycle métabolique majeur pour la physiologie de l'organisme, le cycle de méthylation, augmente la production d'homocystéine qui à forte dose accroît le risque vasculaire.
Le diabète, autre désordre métabolique favorisé par la sédentarité et une consommation excessive et inadaptée de glucides, est un autre facteur de risque bien connu.
Inflammation, oxydation et désordre métabolique conduisant à l'augmentation de l'homocystéine ou au diabète, sont liés essentiellement à l'alimentation et au mode de vie. Ils se résolvent donc par l'alimentation et le mode de vie.

INFLAMMATION, STRESS OXYDATIF ET LÉSION ATHÉROMATEUSE

Le cholestérol, sous sa forme habituelle, a de nombreuses fonctions physiologiques. Lorsqu'il est oxydé, sous l'effet de l'inflammation et du stress oxydatif, il devient un corps étranger. Il entre alors dans un processus pathologique qui conduit à la formation de plaques sur les artères : l'athérosclérose. La source du problème n'est donc pas le cholestérol, mais l'inflammation et l'oxydation !

HOMOCYSTÉINE, FACTEUR AVÉRÉ ET POURTANT NÉGLIGÉ

L'homocystéine s'accumule lorsque le cycle de méthylation fonctionne mal, notamment en cas de déficience en vitamines B6, B9 et B12. La solution ne passant pas par les médicaments, aucune recherche approfondie n'est effectuée sur ce facteur qui accroît le risque vasculaire. Son dosage est aisé mais très peu pratiqué, parce qu'il n'est pas pris en charge par la Sécurité sociale !

LE DIABÈTE II, FLÉAU DES SOCIÉTÉS MODERNE

Le diabète de type II qui survient en seconde partie de vie est une conséquence de l'alimentation agro-industrielle qui a privilégié les céréales raffinées, les pommes de terre et les sucres ajoutés, ainsi que du manque d'activité physique. Cette maladie a ses complications propres et accélère l'installation sournoise des lésions athéromateuses.

LA NUTRITION, CLEF DE LA PRÉVENTION

Une alimentation santé réduit les sucres et les produits ultra-transformés *. Elle apporte davantage d'oméga 3, de graines entières, de fruits et légumes de qualité, ainsi que de fruits oléagineux. Ces orientations, suivies durablement, réduisent l'inflammation chronique de bas grade, protègent contre l'oxydation et apportent les vitamines nécessaires au bon fonctionnement métabolique.
La solution est simple et parfaitement connue. Elle se heurte cependant à un problème majeur : la dépendance à l'industrie agroalimentaire qui ne répond pas à ces besoins, parce que cela n'est pas économiquement intéressant pour elle.
Il revient donc à chacun, individuellement, de faire le chemin pour lui-même, en trouvant les sources d'approvisionnement favorables à la santé, actuellement disponibles. Les systèmes de production et de distribution, qui suivent la demande, pourront alors évoluer, progressivement, vers des produits de qualité, majoritairement d'origine locale, et non transformés.

NUTRITION, ACTIVITÉ PHYSIQUE ET DÉTENTE, PLUS EFFICACES QUE LES MÉDICAMENTS !

Dans les années 1990, l'étude de Lyon rigoureusement menée par Serge Renaud [4] démontrait un effet protecteur sans précédent sur le risque vasculaire d'un régime de type crétois (méditerranéen et riche en oméga 3). Ce bénéfice a été largement confirmé depuis par diverses études évaluant les modes alimentaires d'inspiration méditerranéenne et/ou enrichis en oméga 3, l'association des deux donnant les meilleurs résultats.
D'autres recherches ont montré le rôle terriblement néfaste de la sédentarité et du stress sur la santé générale, et vasculaire en particulier.
L'association d'une nutrition santé de base, non privative de plaisir et de vie sociale, d'une activité physique minimale et d'un rythme de vie permettant la détente est bien plus efficace que les médicaments pour prévenir les accidents vasculaires. Mieux encore, la prévention s'exerce aussi sur de nombreux cancers et sur les maladies dégénératives liées au vieillissement.

L'ALIMENTATION SANTÉ PRÉVENTIVE, PLUS SIMPLE QU'ON NE LE CROIT !

Adopter une alimentation santé est souvent associé à la contrainte, à la perte de plaisir, et aux limitations de la vie sociale. Quelle erreur d'appréciation ! Les préconisations limitantes de certains régimes médicaux et l'idéal hygiéniste de quelques courants naturopathiques y sont probablement pour quelque chose. Ce n'est pas l'application contrainte de règles privatives qui conduit à une nutrition santé durable, mais la conscience de nos besoins naturels et la recherche de réponses compatibles avec notre plaisir gustatif et la convivialité relationnelle. Le plus gros effort est de sortir d'une alimentation facile guidée par l'industrie agroalimentaire.

L'ACTIVITÉ PHYSIQUE, FACTEUR MAJEUR DE SANTÉ

L'activité physique, comparée à la sédentarité, a des effets bénéfiques sur la prévention des maladies vasculaires, des cancers, du diabète et de diverses maladies chroniques, qui pourraient faire pâlir d'envie l'industrie pharmaceutique ! Un tel résultat avec un médicament serait la fortune assurée !
Ce miracle n'en est pas un. Il s'agit simplement d'un retour à l'essentiel. Depuis des milliers d'années, les organismes sont en mouvement et le bon fonctionnement des gènes s'appuie sur cette dynamique. La sédentarité favorisée par la vie moderne affaiblit tout simplement un certain nombre de fonctions physiologiques et cela conduit à de multiples dysfonctionnements.
Trente minutes par jour de marche rapide ou, mieux, de pratique d'un sport qui demande de pousser ponctuellement l'effort sont suffisantes pour obtenir un bénéfice significatif.

LE STRESS, TROISIÈME PILIER D'UNE PRÉVENTION OPTIMISÉE

Les changements rapides d'organisation sociale, la nécessité de résultat imposée par l'économie compétitive, l'overdose d'information dans un mode hyperconnecté et la course perpétuelle après le temps (alors que la technologie devrait nous en faire gagner !), favorisent un état de tension intérieure. Cet état quasi permanent devient la normalité, si bien que nous le ressentons de moins en moins comme un problème ! Cependant, il contribue à l'épuisement de nos organismes, ce qui fait le lit des maladies chroniques. Le stress est reconnu aujourd'hui comme un facteur important du risque vasculaire.
Il y a deux voies complémentaires pour y remédier. À court terme, l'urgence est d'insérer des moments de détente et de relaxation dans notre emploi du temps. À long terme, la priorité est de faire le meilleur choix du cadre et du rythme de vie, qui place notre bien-être au plus haut niveau. Avons-nous besoin de toutes ces nécessités que nous nous imposons ? Après quoi courons-nous ? Ne sommes-nous pas en train de perdre notre qualité de vie en suivant un engrenage qui au final ne nous apporte rien d'autre que sa propre répétition ?
La meilleure prévention cardiovasculaire est un chemin qui privilégie notre qualité de vie et le respect de nos besoins naturels.

LEXIQUE
ÉTUDE D'OBSERVATION
étude tournée vers le passé, en recueillant les données de nombreux individus et en faisant les liens entre certains facteurs et une maladie. La faiblesse est qu'elle révèle des associations qui ne sont pas forcément des liens de causalité.

ÉTUDE D'INTERVENTION
étude tournée vers le futur, en séparant une population homogène en deux groupes tirés au sort. Un groupe adopte un changement ou prend un médicament. L'autre ne change rien et prend un placebo. La différence significative entre les deux groupes permet de conclure de manière certaine le lien de cause à effet entre le facteur (qui a été modifié) et la maladie (qui s'est améliorée).

STRESS OXYDATIF
situation dans laquelle les substances oxydantes produites par le corps (inflammation, suralimentation...) ou apportées par l'extérieur (fumée, toxiques, rayonnements...) sont trop abondantes pour être neutralisées par la défense antioxydante et causent des dégâts sur les cellules de l'organisme.

PRODUITS ULTRA-TRANSFORMÉS
ce sont des préparations industrielles qui subissent des transformations technologiques (chaleur pression, ajout d'additifs...) dans le but d'être plus présentables, de se conserver plus longtemps, de réduire les coûts... Cela conduit à la dénaturation de certains nutriments et à l'apport de substances néfastes. De tels aliments qui ne répondent plus aux besoins naturels contribuent à la dégradation de la santé.

MALADIES DE CIVILISATION
maladies chroniques dont la fréquence a clairement augmenté depuis quelques décennies. Cette augmentation est attribuée au moins en partie au mode de vie : alimentation, pollutions, sédentarité. L'hypermédicalisation pourrait aussi jouer un rôle.