Lettre d'Information Synphonat
Numéro 21 - Été 2012

Bonjour,

Décidément, la nature nous inspire ...

Certes, en ce moment, elle nous inspire des envies de voyages, de découvertes et d'évasion.

Mais elle est surtout une inépuisable source d'imagination et d'ingéniosité pour trouver les voies d'un futur où l'homme saurait tirer parti des ressources et des modèles naturels tout en préservant ce patrimoine collectif inestimable.

Dans ce numéro d'été, nous nous sommes intéressés aux solutions que fournit d'ores et déjà la nature et à celles qu'elle permettrait d'envisager pour peu que nous réussissions un peu mieux à la comprendre.
Nous nous sommes aussi intéressés à l'usage des quartiers où se concentre l'activité de nos villes.
Mais là encore, peut-être qu'au final ce sont les colonies d'abeilles qui nous enseigneront le mieux comment vivre en société et contribuer à la pérennité de notre écosystème.


L'équipe Synphonat




1. La nature en modèle

par Jean-Claude, Dirigeant

Dans tous les domaines, des chercheurs étudient la nature pour trouver des réponses aux grands défis de demain, que se soit pour se nourrir, se soigner, se déplacer ou encore bâtir nos maisons - On parle de "biomimétisme". À leur grand étonnement, ils constatent que des réponses sophistiquées existent déjà, il suffit de les décoder pour les reproduire.

Un cas, en particulier, donne du "fil à retordre" aux chercheurs : celui de l'araignée.

Le biomimétisme pourrait en effet réhabiliter l'araignée, une de ces bestioles malaimées et pourtant indispensables à la vie sur terre. On en compte 35000 espèces connues et peut-être autant restant à découvrir. Sans elles, nous serions envahis de moustiques ou autres mouches et l'agriculteur serait privé d'un auxiliaire indispensable.

Mais c'est à la soie, qui est la base de vie de l'araignée, que les chercheurs s'intéressent plus particulièrement. La soie lui permet de se nourrir mais aussi de se reproduire. Lors de la parade nuptiale, la femelle entrelace la soie de phéromones pour attirer le mâle. Le mâle dépose dans un petit paquet de soie du sperme qu'il insère dans le corps de la femelle, lui évitant de s'approcher trop près et d'être dévoré !!

Des laboratoires de recherche élèvent et observent des araignées cherchant à comprendre comment cette petite bestiole est capable, à partir de moustiques et de grillons de produire un matériau bien plus performant que notre industrie de pointe utilisant des énergies fossiles, des polluants à des températures extrêmes.

Fonction de bio-indicateur

La toile d'abord est un bio-indicateur intéressant. Exposée à un toxique, l'araignée tisse une toile anormale. A chaque toxique la toile délivre un message différent :

  • - avec la marijuana, l'araignée ne finit pas sa toile,
  • - avec un somnifère, elle ne tisse pratiquement pas,
  • - avec la Benzédrine (amphétamine), elle produit une toile comportant de gros trous et le tissage est incohérent,
  • - avec la caféine, l'araignée semble disposer ses fils pour une large partie au hasard, ou alors elle tisse sans continuité avec le début de la toile.

Les chercheurs de la NASA s'appliquent à mettre au point un logiciel mesurant la toxicité des molécules à partir de l'analyse des toiles réalisées par des araignées exposées à de nouvelles molécules.

La soie d'araignée un matériau de haute technologie

Cette toile tissée avec une soie aux propriétés étonnantes est bien supérieure à nos fibres technologiques et plus solide qu'un fil d'acier ! L'araignée produit 6 fils différents selon les besoins à partir de 6 glandes internes spécialisées.
Dans les glandes de l'araignée, la soie est une solution de protéines liquides, ensuite elle est passe dans un canal étroit avant d'être pressée et extrudée par une des 6 filières. Elle ressort sous forme d'une fibre très ordonnée, quasiment imperméable et insoluble.
C'est cette transformation qui trouble nos chercheurs et qu'ils essaient de comprendre. La soie passe d'une phase liquide dans laquelle les molécules sont disposées de façon aléatoire à une phase cristalline où les molécules sont organisées de façon régulière pour finir en composite (cristal-liquide) avec une orientation des molécules ordonnées et une position aléatoire. Deux matériaux en un.
Au final, la soie est à la fois solide et résistante et possède une capacité de résilience : le trio gagnant d'un matériau performant.
La soie est 5 fois plus solide que l'acier car capable d'absorber un impact 5 fois plus fort sans casser, elle peut s'allonger de 40% de sa longueur et retrouver sa forme (résilience). Une autre caractéristique importante c'est sa transition vitreuse exceptionnellement basse, qui lui permet de garder ses propriétés physiques et chimiques à des températures très basses.
Le matériau dont nous disposons qui se rapproche le plus de la qualité de la soie actuellement, c'est le Kevlar polyaramide dont on se sert pour faire les gilets pare balle !
Mais pour fabriquer ce matériau, nous utilisons du pétrole, de l'acide sulfurique que nous faisons chauffer à plusieurs centaines de degrés dans une cuve pressurisée, sans pour autant atteindre l'ensemble des qualités physico-chimiques de la soie d'araignée.

Pistes d'avenir

La difficulté est de produire à grande échelle de la soie d'araignée, l'élevage d'araignées ne semble pas possible, cet animal est solitaire ce qui exclut son élevage intensif.
Des essais sont en cours, consistant, à partir de fragments d'ADN, à modifier génétiquement des brebis ou des vaches pour obtenir un lait ayant la propriété de produire de la soie. D'autres chercheurs essaient de comprendre comment les acides aminés sont modifiés dans leur forme et leur positionnement spatial pour reproduire chimiquement de la soie d'araignée.

Utilisations possibles de ce matériau

Bien évidemment elle sont nombreuses, l'armée travaille sur la fabrication de sandows servant d'amortisseurs aux avions qui atterrissent sur les porte-avions, ou encore de tissus pare-balles très légers pour les soldats, de suspentes de parachutes qui affrontent des températures extrêmes et qui ont besoin d'élasticité, de solidité et de résilience
Dans le civil, on pense aux câbles des ponts suspendus, aux ligaments artificiels et fils de sutures et à toutes sortes de matériaux ayant besoin des propriétés exceptionnelles de la soie d'araignée.

Le biomimétisme est une nouvelle discipline scientifique, c'est aussi une philosophie qui nous invite à un autre regard sur la nature et sur notre mode de vie.

Références :


2. Le Grand Nord à la rescousse du Nuage

par Fabien, Responsable du site de Villemur-sur-Tarn

L'"Infonuagique" est un terme utilisé par nos amis Québecois pour parler des informations qui sont présentes sur des serveurs "quelque part".

Le néologisme "infonuagique" a été inventé pour démystifier le nom d'un concept très en vogue, le cloud computing, qui se généralise avec des conséquences, si les choses ne s'améliorent pas, considérables sur l'environnement.

Qu'est ce que le cloud computing ?

C'est un concept qui fait référence à l'utilisation de la mémoire et de la capacité de calcul d'ordinateurs et de serveurs répartis dans le monde entier, et liés à travers un réseau. Les utilisateurs du nuage peuvent ainsi disposer d'une puissance informatique considérable et modulable. Sont concernés aussi bien la délocalisation des services informatiques des entreprises, que le stockage d'informations personnelles comme par exemple celles des réseaux sociaux (Google +, Facebook, Twitter, etc.).

Et c'est là que le bât blesse, car le monde virtuel d'Internet a une empreinte carbone qui, elle, est bien réelle.

En effet, derrière chaque recherche sur Google, mise à jour sur Facebook ou message sur Twitter, il existe une gigantesque infrastructure d'immenses parcs de serveurs qui, ensemble, émettent quelque 230 millions de tonnes de dioxyde de carbone par an. Pour se faire un ordre d'idée cela représente un peu plus d'émission de dioxyde de carbone qu'un pays comme l'Argentine.

La climatisation peut consommer jusqu'à la moitié de l'énergie dont ont besoin les géants numériques comme Google, Facebook, Twitter, Amazon, Apple, Microsoft et IBM pour faire fonctionner leurs gigantesques "centres de données" (sites de serveurs informatiques), en constante expansion.

Même si certains sont exemplaires en alimentant ces fameux "centre de données" en électricité émanant d'energies renouvelables, d'autres le sont beaucoup moins (électricité issue du charbon, du nucléaire, etc.) et nombre d'entreprises sont carrément de mauvais élèves.

Au dernier palmarès dressé par Greenpeace, l'ONG révèle qu'Amazon, Apple et Twitter n'accordent pas suffisamment d'attention à la provenance de l'électricité qu'elles consomment. Donc quand vous naviguez sur Amazon, achetez sur iTunes ou tweetez, vous contribuez très directement au problème environnemental.

Sachant que le plus gros de la consommation électrique ne concerne pas directement le fonctionnement des serveurs mais leur rafraîchissement par climatisation, deux pays se sont intelligemment positionnés pour accueillir de futurs centres de données "durables".

Le Québec, qui avec des surplus de production électrique renouvelable peut fournir de l'énergie propre tout en limitant la consommation d'energie nécessaire au refroidissement des serveurs grâce à de longs hivers rigoureux, espère bien tirer son épingle du jeu.

Mais surtout, la Norvège avec l'ambitieux projet (privé) de constituer le plus grand et le plus écologique des parcs de serveurs au monde. Située dans la mine désaffectée de Lefdal, cette forteresse dédiée au stockage et à la circulation des données, serait refroidie par de l'eau de mer acheminée depuis le Nordfjord, à environ 370 kilomètres au nord-ouest d'Oslo, afin que la température ambiante reste à 8°C tout au long de l'année.

Outre la configuration idéale pour résoudre le problème du refroidissement des serveurs, le voisinage de Lefdal offre en abondance de l'énergie renouvelable, produite par les barrages hydroélectriques et par les parcs éoliens environnants.

Ces deux derniers exemples montrent à quel point il est possible, en faisant l'effort de sortir des sentiers battus, de créer de la valeur vertueusement, d'être dans le monde de demain tout en faisant face aux enjeux du réchauffement climatique.

Ces nouveaux dispositifs sont un mieux par rapport à ce qui existait précédemment, mais une véritable démarche durable ne passe-t-elle pas par l'optimisation des systèmes et des technologies (faiblement énergivores) et surtout par une sensibilisation accrue de l'internaute ? En effet, c'est la question que l'on peut se poser face à l'inflation galopante du nombre de requêtes sur Internet (chaque seconde, près de 100000 requêtes sont effectuées sur le seul moteur de recherche de Google), et aux besoins en énergie (propre ou sale) qui progressent eux aussi de manière exponentielle.

Références :


3. Mobilier urbain intelligent

par Arnaud, Responsable Informatique

Quels sont les usages spécifiques du mobilier urbain selon l'endroit où il se trouve, et l'activité de ses usagers ? Le quartier d'affaires parisien de La Défense lançait le jeudi 29 mars, et jusqu'à la fin de l'année, une expérimentation sur huit séries de prototypes. Objectif : mettre les salariés et habitants du quartier au cœur de l'espace, en inventant le mobilier nécessaire à vivre dans ce quartier, plutôt que seulement y passer.

Dans le reflet des immeubles vitrés de La Défense, les éléments colorés et aux formes géométriques décalées par rapport à ce quartier d'affaires vertical étaient plutôt, jusqu'ici, réservés aux œuvres d'art éparpillées sur la dalle.

L'espace de 53 hectares, où se croisent chaque jour 160000 salariés, 20000 habitants et bien sûr touristes et visiteurs, manque de lieux d'échange. C'est pour créer des ponts entre les gens qui vivent ici et ceux qui y travaillent que Defacto, établissement chargé de la gestion et de l'aménagement de l'espace public de La Défense, a mis en place Forme Publique, une Biennale de création de mobilier urbain.

À l'issue d'un concours, huit projets ont été retenus pour la création de prototypes. Des bancs géométriques, des balançoires colorées et à hauteur d'adultes, un hamac géant, une cantine géante, des cubes encastrés dans le paysage urbain pour à la fois s'asseoir et servir de point de distribution et de stockage de paniers bio... Jusqu'à la fin de l'année, le mobilier sera testé par les usagers de La Défense.

Une fois le mobilier démonté, cette expérience et les remarques qui l'auront accompagnée serviront à enrichir l'offre pour un mobilier adapté aux usages des quartiers d'affaires. Car il semblerait qu'à l'heure actuelle le mobilier ne soit pas à la hauteur des "CBD" (pour Central Business Districts). Par exemple, à l'heure du déjeuner, des milliers de salariés s'installent sur les marches pour manger. On sait aussi que les gens venant dans cette fourmilière pour un rendez-vous arrivent en moyenne trente minutes à l'avance, car ils ont peur de se perdre. Pour eux, et pour ceux qui désirent travailler sur un clavier entre deux rendez-vous, un besoin d'espaces spécifiques reste à pourvoir.

C'est précisément pour répondre à ces besoins que cinq usages ont été définis en amont du concours : poser, se reposer - attendre, s'abriter - déjeuner - travailler, se cultiver - trier, jeter. Sur plus de cent projets présentés, seul un a été proposé sur ce dernier thème, qui a finalement été retiré. "Faire une poubelle, ça n'intéresse personne, regrette Jean-Christophe Chobelet, scénographe urbain et concepteur de Forme Publique. On a donc demandé aux équipes d'intégrer les poubelles dans leurs projets".

Dans ce quartier où l'innovation s'écrit chaque jour derrière les fenêtres des immeubles de bureaux, le high-tech tient peu de place dans les prototypes à l'essai. C'est un choix car les usagers de La Défense sont connectés en permanence. Lorsqu'ils descendent sur l'esplanade pour déjeuner, la plupart des salariés ont déjà un smartphone sur eux. Les projets choisis s'intéressent plus à l'ergonomie et à la durée de vie des matériaux qu'à l'intégration des nouvelles technologies dans l'espace public.

Le mobilier urbain intelligent, c'est, à l'inverse, le pari qu'a fait, juste à côté et au même moment, la ville de Paris. Là aussi, il s'agit d'un véritable laboratoire, mais les usages sont totalement différents. Quarante projets sont en phase de test, afin de connaître les besoins et la résistance du mobilier pour affiner un futur appel à projets. On trouve parmi ceux qui sont déjà en place l'abribus avec plan tactile et diffusion d'infos pratiques et dépêches AFP, le panneau à réalité augmenté, la borne multimédia muséographique pour s'orienter et s'informer dans les grands cimetières, ou encore pour notre sécurité, le potelet balise et le velobox. Notre planète n'est pas oubliée avec la borne Modulowatt qui allie écologie, automatisme et simplicité.

Ce mobilier urbain hyper connecté aux Parisiens et aux touristes doit devenir "un point d'entrée vers des usages d'hyper proximité ou des informations du bout du monde", selon Jean-Louis Missika, adjoint au maire de Paris en charge de l'innovation, de la recherche et des universités. L'objectif est aussi d'observer et d'accompagner la transformation des relations entre les citadins.
Les concepteurs des projets sont des start-ups mais aussi des entreprises familières de ce type d'innovation, comme JC Decaux ou Orange. La ville a engagé 250000 euros pour la mise en place de cette expérimentation. Chaque entreprise loue l'espace où est installée son innovation pour 100 euros par mois.

La ville n'est plus seulement une scène inerte où l'homme (se) produit. Elle devient aujourd'hui vivante et interagit avec nous.
Alors la prochaine fois que vous vous promènerez dans la capitale, ouvrez l'œil, une innovation surprenante vous attend peut être au coin de la rue.

Références :

Crédits photographiques : S. DDT, Fang Guo, Morten Oddvik, Mrskyce

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